Le français, langue "latine" ?... A d'autres !
18/01/2011
Alors que beaucoup trop de gens s'obstinent à considérer le français comme une langue prétendument "latine", je m'inscris en faux contre une telle assertion.
Contrairement à l' italien, à l'espagnol, au portugais et au roumain, qui sont effectivement des langues latines à part entière, le français n'est en fait que partiellement une langue "latine" (romane, devrait-on d'ailleurs dire de façon plus juste en ce qui le concerne)...
En effet, outre le latin, les apports qui l'ont formé sont également constitués d'éléments grecs, celtiques, et germaniques (francique mais pas seulement, et l' apport germanique dans le français est loin d'être négligeable).
En fait, le français est un "patchwork". C'est une langue qui se situe à l'exact carrefour des idiomes gréco-latins, celtiques, et germaniques.
La plupart des gens n'ont pas conscience, par exemple, du rôle capital qu'a rempli le celtique ancien dans la formation de la langue française.
Beaucoup plus de traces du celtique continental gaulois qu'on ne le croit généralement sont en effet passées dans le français, contrairement aux idées reçues. Environ 300 mots courants -voire "populaires"- nous viennent directement du celtique ancien.
Quelques exemples parmi beaucoup d'autres :
à ==> du gaulois "ad" (même sens)
abriter ==> du gaulois "abbritto/abbratto"
agacer ==> du gaulois "agacio"
aigre ==> du gaulois "acer/acros"
ainsi ==> du gaulois "ensindo/insindo"
ajonc ==> du gaulois "ation/action"
alise ==> du gaulois "alisia/alesia"
aller ==> du gaulois "alo"
alouette ==> du gaulois "alauda/aloda"
alpe ou alpes ==> du gaulois "alpa"
ambassade ==> du gaulois "ambactiata" ("ambactos" = serviteur, envoyé, ambassadeur)
andouiller (de cerf) ==> du gaulois "antolio"
anguille ==> du gaulois "angis"
ardoise ==> du gaulois "artesia/ardesia"
argent ==> du gaulois "argenton"
argot ==> du gaulois "arcato/arcoto"
arpent ==> du gaulois "arependis"
arracher ==> du gaulois "arraco/arranco/exraco"
arrimer ==> du gaulois "arrimmo"
attelle ==> du gaulois "astella"
auvent ==> du gaulois "aubannos"
bac (bâteau) ==> du gaulois "baccos/bascos"
bâche ==> du gaulois "basca/bascia"
bachelier ==> du gaulois "baccalarios"
badine, baderne, bâton ==> du gaulois "batina/basterna"
bagarre ==> du gaulois "bago"
bague ==> du gaulois "bacca/baga"
baie (maritime) ==> du gaulois "bacia/bacco"
baille (eau) ==> du gaulois "badila"
baiser ==> du gaulois "basio", dérivé de "busio" (bouche, lèvre)
balai ==> du gaulois "banatlos"
balcon ==> du gaulois "balacon"
balise ==> du gaulois "balisia/balidia"
balle/boule/ballon ==> du gaulois "balla/bolla"
bancal ==> du gaulois "bancalis"
baril ==> du gaulois "barriclo"
barrique ==> du gaulois "barrica"
bas ==> du gaulois "bassos"
bassin ==> du gaulois "baccinon"
bec ==> du gaulois "beccos"
bêche ==> du gaulois "besca/bethica"
beigne ==> du gaulois "begna/bogna"
berceau ==> du gaulois "barcio/bertho"
béret ==> du gaulois "berron"
berge ==> du gaulois "berga"
bernique ==> du gaulois "bernica"
béton ==> du gaulois "betomen/beto"
billot ==> du gaulois "bilia"
bitume ==> idem que béton, du gaulois "betomen"
blague ==> du gaulois "balga/bolga"
blaireau ==> du gaulois "blaria"
blason ==> du gaulois "blatio/mlatio"
bloc ==> du gaulois "bloco/blocco"
bagnole ==> terme dialectal du nord-ouest, de "banniole" = mauvaise carriole
braguette ==> du gaulois "braga", les braies (pantalon)
Etc etc etc...
On pourrait continuer ainsi très très longtemps, avec toutes les lettres de l'alphabet.
Mais c'est déjà assez édifiant, non ??...
Des mots français directement dérivés du gaulois, il y en a plusieurs centaines (si on compte les dérivés de chaque substantif), et la plupart d'usage très courant. A ce sujet, je vous recommande d'ailleurs un petit ouvrage (dont je possède un exemplaire) intitulé "DICTIONNAIRE DES MOTS FRANCAIS D' ORIGINE CELTIQUE", par Jean-Marie RICOLFIS ("Celtes et Gaulois" Troisième partie, Editions Paris-Aubusson / Cercle Lugos, 1995).
Inscription gauloise d'Alise-Sainte-Reine
Tirés du net, quelques exemples de l'apport germanique (francique) dans la langue française :
abandonner (de bannjan = bannir)
astiquer (de steken = pousser, utiliser un bâton pointu, relaté à stakka)
bâtir, bastille (de bast = écorse, écorse de bouleau en lamelle, ficelle, matériel de construction)
bière (de bera)
blanc (de blink = briller)
bleu (de blao)
bordure (de boord = bord)
brun (de bruin)
chic (de schikken = bien ranger, donc être valable)
choc, choquer (de scoc, schok = secousse)
cresson (de kresso = plante signifiant nourriture)
dard (de darod = lance à jeter)
détacher, attacher, tailler, étal (de stakka = pieu, bâton pointu)
écran (de scherm = protection)
épieu, pieu (de speut = pointu)
épier (de spieden)
escarmouche (de skirmjan = défence limitée)
étale, étalage, étable (de stal = construction où l'on 'case' un animal)
fief (de fehu, vee = troupeau de bovins)
fouquet (de fulko = écureuil)
frais (de frisk, fris)
fauteuil (de faldistôl = chaise stôl pliable faldi)
galop(er) (de walalaupan, wel lopen = bien courir)
gant (de want)
garant (de warand, ware hand = vrai (et en) main)
garçon (de wrakjo = diminutif de wraker = tueur, donc: petit guerrier )
garde, gardien (de warding, dérivé de wachten = attendre, observer, se tenir prêt)
gaspiller, gaspillage (de wostjan, woest = rendre sauvage , sauvage)
grappe (de greip, greep, grip = prise par une main)
gris (de grîs, grau = brillant mais foncé)
guerre (de werra, war = confusion)
haïr (de hatjan)
honnir (de haunjan, honen)
jardin (de gaarden, dérivé de wachten = (plur.) les parcelles gardées, entourées d'une protection)
landes (de land= terre sableuse)
loge(r) (de laubja)
marche(r) (de marka = marquer d'un pas)
marque (de mark, merk = signe, signe d'une délimitation, frontière)
marquis (de mark = comte d'un région frontalière)
maréchal (de marhskalk= gardien skalk des juments maren royales)
randonnée (de rant, rand = coté)
rang (de hring = chaînon, anneau)
saisir (de sakjan = revendiquer)
standard (de standhard = tenir debout fermement)
trot(ter) (de trotton = mouvement de haut en bas)
Etc etc.
Enfin, en guise d'appendice, pour tous ceux qui s'imaginent que le français ne comprend que quelques rares mots d'origine celtique et dérivés du breton, précisons aussi que beaucoup de termes bretons sont en fait eux-mêmes apparentés au...gaulois (eh oui !).
Par exemple :
Marc'h ==> du gaulois "marcas" (cheval)
Bagad (et français bagaude) ==> du gaulois "baccatos" (troupe)
Men ==> du gaulois "meno" (pierre, montagne)
Bara ==> du gaulois "barago" (= pain)
Gwin = du gaulois "oinos" (= vin)
Anaon ==> du gaulois "anatmon" (= âme)
Etc... (les exemples sont légion, mais vu que je ne connais moi-même que 60 à 80 termes de la langue bretonne, je ne pourrais pas énormément développer le sujet)
CONCLUSION
A l'origine, le celtique continental ancien (auquel se rattachaient les divers dialectes gaulois) était lui-même une langue très proche du latin, dans ses structures grammaticales, syntaxiques, son vocabulaire etc. C'est d'ailleurs pour cette raison que le latin des envahisseurs romains a été si facilement assimilé par les populations des Gaules.
Et à ce titre, il est franchement réducteur de parler de langue "latine", puisque le latin dont découlent les langues romanes ultérieures (langues d'Oc et d'Oïl, dont procède le français) n'a fait que se superposer aux parlers gaulois préexistants.
En outre, comme je l'expose dans le cadre de ce petit article, il y a eu énormément d'apports gaulois et germaniques dans la formation du vocabulaire français. Ce qui n'est pas le cas des langues véritablement latines (Italien, espagnol, portugais etc).
Si le français a été classé officiellement comme langue "latine", c'est surtout parce que jusqu'à une époque récente, on n'avait que très peu de connaissances au sujet de la langue celtique continentale. Mais ces connaissances ont nettement progressé depuis les vingt dernières années, et il est donc aujourd'hui tout à fait légitime de remettre en question certaines "certitudes" en matière de linguistique.
En ce sens, le français est une langue quelque peu "bâtarde", ce qui en fait toute la richesse et la singularité. Et c'est pourquoi il est très réducteur de la classer parmi les langues "latines". Ce qui ne peut être vrai qu'en partie seulement.
L'objet de ce petit exposé est donc juste de vous encourager à en finir avec une idée fausse : non, nous ne parlons pas une langue latine, et oui, il y a beaucoup de celtique, d' hellénique et de germanique dans notre parler quotidien !
Hans CANY
9 commentaires
Toutes ces certitudes !
Eh bien ... Moi ce que j'en dit,c'est que cet exposé est intéressant et a de la suite dans les idées, mais manque cruellement de sources ...
Il y a des choses probablement très vraies, d'autres un peu moins ...
J'aimerais bien voir cette étude de la vulgate celtique qui dit qu'il est proche du latin ... En général, on considère que les langues romanes descendent du bas-latin (ou latin vulgaire), de la branche des langues italiques ... Ce, même s'il existe quelques controverses - ayant, comme tout en linguistique diachronique, valeur de théories - sur l'ascendance latine des langues romanes. Alors que les langues celtiques sont sur une branche séparée des langues indo-européennes. Alors oui, il y a des chances de retrouver quelques siilitudes structurelles, mais de là a dire qu'elles sont proche ... ça revient un peu à dire que les amibes et les sèpes sont proches des requins car tous sont classés dans la branche des eucaryotes ... Ce qui est vrai, d'un certain point de vue, mais abérrant de tant d'autres.
M'enfin. Lecture néamoins intéresante.
PS : pour avoir des bonnes bases en breton et - plus discretes - en latin, je cherche encore les fortes similitudes structurelles qui me feraient accepter l'envahisseur si facilement en cas de nouveau débordement romain ...
Pour ta gouverne, le breton est une langue celtique BRITTONIQUE, comme le gallois, et appartient donc à une branche totalement distincte du celtique continental ancien. lequel ne s'apparente donc ni aux langues brittoniques (même si on retrouve des racines communes dans une partie du vocabulaire), ni aux langues gaéliques (d'Ecosse et d'Irlande).
Si tu veux en savoir plus au sujet du celtique continental ancien (dont étaient issus les divers dialectes gaulois) et à son évidente parenté avec le latin, je te renvoie, entre autres, aux remarquables travaux de Jean et Joseph Monard, qui font autorité dans ce domaine.
Enfin, je te saurai gré de cesser immédiatement d'employer ce ton hautain et un rien condescendant à mon égard, car ta cuistrerie prétentieuse ne m'impressionne aucunement. Sache donc que je n'hésiterai pas un seul instant à prendre les mesures qui s'imposent pour avoir la paix sur mon propre blog, si tu persistes malgré tout sur cette voie. A bon entendeur...
Ca ressemble pas au latin ça, peut-être ? : http://francois.lonchamp.free.fr/BlogLat/Martialis.jpg
Et tous les exemples que je cite dans mon article ? La ressemblance n'est pas assez flagrante, sans doute ??
S'il y a un truc que je ne supporte pas, c'est bien la mauvaise foi.
Ayant moi-même fait quelques recherches sur le sujet, j'en suis venu à la conclusion que le gaulois était tellement près du latin que les linguistes ont confondu le latin avec le gaulois et autres langues celtiques continentales.
Plusieurs termes supposément d'origine latine étaient probablement déjà utilisé par les Celtes avant l'arrivée des Romains et ces mêmes Celtes se distinguaient peut-être davantage des Italiques par leur culture que par leur langue, mais malheureusement les langues celtiques étant très peu documentées on a préféré attribuer une source latine aux langues romanes. Par contre, j'ai retracé plusieurs mots qu'on dit d'origine gauloise dans d'autres langues, notamment finno-ougriennes, de plus le gaulois plus particulièrement, qui est le plus connu des idiomes du celtique continental a subi une forte influence du proto-germanique et peut-être des anciens Belges (sûrement de langue proto-frisonne, qui auraient aussi envahi l'Angleterre avant notre ère).
Donc, le français et les autres langues romanes mais surtout l'occitan, étant donné son riche vocabulaire (comme probablement le gaulois qui semblait aussi contenir de nombreux synonymes), possèdent des dizaines de mots connus qui sont plus proches du celtique continental que du latin, bien que l'on connaisse encore très peu la ou les langues des Celtes. De toute façon les Romains ne parlaient pas le latin mais une langue italique vernaculaire latinisée du même groupe que les langues celtiques du continent qu'on qualifie également d'italo-celtique.
Exactement, Sylvain !
Aaaaahhh, bon sang, ça fait plaisir d'avoir tout de même des commentaires un peu plus lucides et pertinents que la moyenne de temps en temps !...^^
Merci, et bravo.
;-)
Excellent et rigoureusement exact d'un bout à l'autre. félicitations !
Quant au zozo qui rigole sur la proximité du latin et du gaulois je lui rappelle que l'indo-européen ne s'est fragmenté que par étapes :
il y a eu un indo-iranien même si aujourd'hui le persan et le sanskrit n'ont presque rien en commun.
Pour l'occident il y a eu une branche germano-celto-latine. Le germanique s'est séparé d'abord et l'autre branche ne s'est divisée que tout à la fin.
L'auvergnat "biéu" /byiw/ = vivant vient-il du latin "VIVUS" ou du gaulois "BIUOS" ? Difficile à dire.
Déjà en 1909 pour son seul parler de Junhac dans le Cantal Pierre Malvezin relevait dans son "Glossaire de la langue d'Oc" des centaines de mots gaulois et plus d'une centaine qui avaient le même radical en gaulois et en latin.
J'ajoute même que les deux déclinaisons principales se ressemblent.
Prenons "cheval de trait" en latin puis en gaulois (NVaGD) je laisse tomber l'instrumental qui n'existe pas en latin et l'ablatif qui n'existe pas en gaulois
:
caballus, caballe, caballum, caballli, caballo
caballi, caballi, caballos, caballorum, caballis
caballos, caballe, caballon, caballi, cabalui (devenu plus tard "caballu")
caballoi (prononcé sur le tard "caballi"), caballoi, caballus, caballôn, caballobo
Les conjugaisons ressemblent assez aussi. Prenons le verbe "aimer" en latin, puis en gaulois :
amo, amas, amat, amamus, amatis, amant
caru, caris, carat, caramo, caratis, caront
il y a aussi en gaulois les verbes "lubu" et "carami" qui sont réservé à l'amour amoureux et pas amical ou familial.
Le verbe être au présent ressemble étonnamment au grec, langue indo-européenne lui aussi :
imi/immi/ esmi, esti / e∂i, esmesi, este/ste, senti
et en grec ancien :
eimi, ei esti, esmen, este, eisi.
Bien sûr la majorité des mots n'ont rien à voir : tigos / domus "la maison" dubron / aqua "l'eau"....
Mais des mots différents peuvent être moins éloignés qu'on le croit :
l'ami se dit "amicus" en latin et "carantos" en gaulois, rien à voir à première vue,
mais en latin on dit "carus" pour "cher" et en gaulois on dit "caros".
L'amour se dit "amor" en latin et "caro" en gaulois. L'amitié se dit "amicitia" en latin et "carantia" en gaulois mais on voit que la racine "car" est commune au deux langues.
Puisque Hans m'enseigne que "une beigne" vient du gaulois je veux signaler deux autres mots d'argot qui viennent du gaulois. Ils n'ont jamais été admis dans la "bonne langue" et pourtant le Peuple les garde depuis 1 500 ans :
jacter du gaulois "iacto" = je parle. Celtiacan iacto = je parle gaulois
la trogne du gaulois "trogna / trugna" = le nez.
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