LE LIVRE VERT (M. KADHAFI), 2ème partie : Le socialisme
04/01/2012
LE LIVRE VERT
de Mouammar KADHAFI,
DEUXIEME PARTIE :
LE SOCIALISME : LES FONDEMENTS ECONOMIQUES DE LA TROISIEME THEORIE
UNIVERSELLE
===> LA SOLUTION DU PROBLEME ECONOMIQUE ET SOCIAL
Le socialisme
Dans le règlement des conflits (opposant) travail/salaire, c'est-à-dire les relations entre patrons et travailleurs et entre propriétaires et producteurs, d'importants progrès ont été accomplis.
La réduction des heures de travail, la rémunération des heures supplémentaires, les divers congés, la reconnaissance d'un salaire minimum garanti, la participation des travailleurs à la gestion et aux bénéfices de l'entreprise, l'interdiction des licenciements arbitraires, la Sécurité Sociale, le droit de grève, la réglementation du travail, figurent en général dans la plupart des législations contemporaines. Des changements non moins appréciables ont été obtenus dans la mutation du droit de la propriété, avec l'apparition de certains systèmes qui
ont, soit limité les revenus, soit transformé la propriété privée en propriété d'Etat.
Et malgré tous ces progrès, certes non négligeables, et les remèdes apportés à l'amélioration du sort des travailleurs, le problème reste posé fondamentalement à l'échelle mondiale, même s'il est devenu moins aigu que par le passé.
Bien que la notion de propriété ait subi de profondes modifications en évoluant de l'extrême droite à l'extrême gauche, et en prenant diverses formes intermédiaires, les producteurs demeurent des salariés.
Pour modifier la nature du salaire, les expériences n'ont pas été moins nombreuses, mais les résultats se réduisent aux avantages obtenus par les travailleurs, défendus par les syndicats et garantis par les législations.
La situation dégradante des travailleurs au lendemain de la révolution industrielle a évolué et bien qu'avec le temps, ouvriers, techniciens et employés ont conquis des droits, qui dans le passé semblaient utopiques et inaccessibles, aucune réponse satisfaisante n'a été proposée pour résoudre le principe du salariat.
Certes, de nombreuses réformes ont été apportées, mais elles sont plus proches de la charité que d'une véritable reconnaissance des droits des travailleurs.
Pourquoi les travailleurs perçoivent-ils un salaire ?
Les travailleurs perçoivent un salaire parce qu'ils ont effectué une opération de production pour le compte d'un tiers qui les paye dans ce but. Ils n’ont pas l'usufruit de leur production, et ont été contraints d'y renoncer moyennant salaire. Or, la règle équitable est: "Celui qui produit dispose de sa production".
Quelles que soient les améliorations apportées au salaire, le salarié reste une sorte d'esclave d'un maître qui le paie, ou plutôt il est un esclave temporaire, et cet esclavage est basé sur le fait qu'il fournit un travail en contrepartie du salaire que lui verse un patron, un individu, voire un gouvernement.
Car l'entreprise publique comme l'entreprise privée, n'accorde à ses employés que des salaires assortis de diverses aides sociales comparables à l'aumône accordée par les riches.
A la différence de l'entreprise privée dont le revenu revient au propriétaire, le revenu de la propriété publique devrait revenir à l'ensemble de la collectivité, travailleurs compris.
Cela serait juste si on ne retenait que l'intérêt de la société, en faisant abstraction de celui des travailleurs, et à la condition que dans cette société, la propriété soit monopole d'Etat, et que le pouvoir y soit exercé, non par une classe, un parti, ou un ensemble de partis, une secte, une tribu, une famille, un individu ou par une forme quelconque de représentation, mais par le peuple tout entier, par le biais des congrès populaires, des comités populaires et des syndicats.
La propriété pourrait bien changer de mains, le résultat serait le même: le travailleur demeure un salarié tant qu'il n'a pas été rétabli dans son droit sur sa propre production, et que celle-ci continue à être détournée au profit de la "collectivité" ou de l'employeur. La solution finale à ce problème consiste à abolir le salariat, par la libération de l'homme de l'asservissement dans lequel celui-ci le maintient.
Il faut retourner à la loi naturelle qui a organisé les rapports humains bien avant l'apparition des classes, des gouvernements et des législations positivistes.
La loi naturelle est en effet le critère, la référence et la source unique des rapports humains. Elle a donné naissance à un socialisme naturel fondé sur l'égalité des facteurs de production, et a assuré la répartition à peu près équitable des produits de la nature entre les individus. L'exploitation de l'homme par
l'homme et la constitution par un individu d'une fortune dépassant ses besoins, constituent une entorse à la loi naturelle et l'amorce d'une perversion et d'une déviation dans la vie de la société, ainsi que le signe avant-coureur d'une société d'exploitation.
En analysant les facteurs de production, on se rend compte qu'ils ont toujours été composés de facteurs essentiels: les matières de production, les moyens de production et les producteurs.
L'équité dictée par la loi naturelle veut que chaque composant qui participe à la production en ait sa part, car si on élimine l'un d'entre eux, il n'y a pas de production.
Le fait que chaque élément joue un rôle essentiel et indispensable, lui confère une égalité naturelle. Celle-ci doit se traduire au niveau de la répartition de la production. Ce principe d'égalité doit s'appliquer à tous les facteurs de la production: s'ils sont deux, la part de chacun correspondra à la moitié du total,
s'ils sont trois, au tiers. Il ne peut y avoir prééminence d'un élément sur l'autre car cela aboutirait à transgresser la loi naturelle et à porter atteinte au droit d'autrui.
De l'application de cette loi naturelle à la réalité historique ou contemporaine, on peut dégager l'enseignement suivant:
A l'origine, la production artisanale était composée de deux éléments: la matière de production et le producteur (Par producteurs, on désigne des travailleurs. Ce terme comme ceux de prolétaires ou d'ouvriers ne correspond plus à la réalité,
car parallèlement à l'évolution des sciences et techniques, on assiste à un changement quantitatif et qualitatif de la classe ouvrière qui tend à diminuer).
Un troisième élément est apparu: le moyen de production, utilisant d'abord l'énergie animale puis la machine.
Parallèlement, on assiste à une transformation des matières premières: de simples et bon marché à celles plus élaborées et donc plus chères. L'homme lui-même voit sa condition changée: de simple manoeuvre à celle d'ingénieur ou de
technicien, la masse des ouvriers cédant progressivement la place à des groupes limités de techniciens.
Ces mutations entraînent des modifications qualitatives et quantitatives et n'ont pas pour autant modifié, quant au fond, les facteurs de production en tant qu'éléments indispensables au processus productif.
Ainsi, par exemple, le minerai de fer, un des facteurs de production de tous temps, était jadis utilisé artisanalement avec des moyens primitifs, pour fabriquer un couteau, une hache ou une lance. Il est aujourd'hui traité dans les hauts fourneaux pour être, sous le contrôle d'ingénieurs et de techniciens, usiné
et transformé en machines et véhicules de tous genres. De même, le cheval, le mulet ou le chameau font place à des machines puissantes et complexes.
L'outil, quant à lui, a suivi la même évolution, de l'objet rudimentaire de l'âge de pierre aux équipements modernes les plus sophistiqués.
C'est d'ailleurs cette constante qui rend inévitable le retour à la loi naturelle pour résoudre définitivement le problème économique. Ceci est d'autant plus vrai, que dans le passé, toutes les tentatives ayant ignoré cet aspect se sont soldées par des échecs complets. Toutes les théories qui ont été élaborées n'ont abordé le problème économique que sous l'angle de la propriété de l'un des facteurs de production ou de celui des salaires.
Le seul vrai problème de la production n'a jamais été résolu. A tel point que la caractéristique commune à tous les systèmes économiques instaurés dans le monde est la négation du droit du travailleur à sa production, que celle-ci soit pour le compte de la société ou pour celui de l'entreprise privée.
Comme cela a été dit précédemment, l'entreprise industrielle fonctionne grâce à trois facteurs: matières premières, moyens de production et travailleurs.
La production est le résultat obtenu par les travailleurs qui utilisent le matériel pour transformer les matières premières. Ainsi les produits finis prêts à la consommation ou à l'utilisation, ont parcouru un processus qui n'aurait pu avoir lieu sans les matières premières, les usines et les travailleurs. Si un des éléments manque, il y a blocage. Sans matières premières l'usine ne pourrait fabriquer, sans usines les matières premières resteraient à l'état brut, sans travailleurs l'usine ne pourrait fonctionner.
L'égale importance des trois facteurs implique une répartition égale du produit obtenu. C'est en fonction de cette règle naturelle que le produit sera partagé en trois parts égales, réparties entre les trois facteurs de production.
Ce système a l'avantage de prendre en considération non seulement l'entreprise, mais également les producteurs et les consommateurs.
Dans l'agriculture, le principe est le même. Mais s'il n'y a que deux éléments, l'homme et la terre, la répartition du fruit du travail devra se faire entre les deux seuls facteurs participant effectivement au processus de production. En cas
d'utilisation de moyens mécaniques, le produit sera réparti comme dans l'industrie, entre la terre, l'agriculteur et la machine. Ainsi sera mis en place un système socialiste régissant la production en appliquant cette loi naturelle.
Si la machine remplace aujourd'hui l'homme, les travailleurs, certes de moins en moins nombreux, restent néanmoins indispensables pour faire fonctionner le matériel et l'entretenir. Ce changement quantitatif a été accompagné par un
changement qualitatif résultant des progrès techniques, remplaçant peu à peu l'énergie humaine par la machine. Une telle évolution n'a pas été sans modifier profondément la vie économique et sociale du monde du travail. Lentement les
masses prolétaires et ignorantes ont diminué. Parallèlement de plus en plus de travailleurs accèdent au savoir et à la technique pour devenir techniciens, ingénieurs ou savants.
Une des conséquences inéluctables de ce changement sera l'élimination progressive des syndicats ouvriers traditionnels qui céderont la place à des syndicats de techniciens ou d'ingénieurs.
Les progrès scientifiques sont un acquis de l'humanité et le processus est irréversible.
Un autre effet indirect sera certainement la fin de l'analphabétisme. On assistera à la disparition progressive de la main-d’oeuvre non qualifiée, mais l'homme
avec ses qualités naturelles restera un élément fondamental du processus productif.
Les besoins
Tant qu'il dépendra d'autrui pour assurer ses besoins, l'homme n'aura pas acquis sa complète liberté et restera exploité et asservi. Ce problème réel, source permanente de luttes et de conflits, subsistera tant qu'une partie de la population
voudra contrôler l'autre.
Le logement est une nécessité pour l'homme et sa famille. Il ne doit appartenir à personne d'autre qu'à lui. Un homme n'est pas libre quand il habite une maison louée. En matière de logement, la politique suivie par les Etats a consisté à réglementer la location en bloquant ou en augmentant les loyers. La seule solution radicale et définitive est l'accession à la propriété. Dans la société socialiste, nul ne peut être maître des besoins de l'homme. Personne ne peut dans cette société, bâtir un logement autre que pour lui-même et ses héritiers. La maison de l'individu étant un de ses besoins fondamentaux, nul ne peut construire dans le but de louer.
Le revenu constitue un autre besoin essentiel. Il ne peut donc, dans la société socialiste, être un salaire, pas plus qu'il ne peut être une aumône.
Il n'y a pas de salariés dans la société socialiste, il y a des associés; le revenu appartient à l'individu et il l'emploie comme il l'entend pour satisfaire ses besoins. C'est la part qui lui revient d'une production dont il est l'un des éléments indispensables. Ce n'est pas un salaire versé en contrepartie d'une production
faite au profit d'un tiers.
Le moyen de transport est également un besoin essentiel de l'individu et sa famille. Il ne doit pas appartenir à une autre personne. Dans la société socialiste, nul ne peut posséder des véhicules de location, car cela aboutirait à se rendre maître des besoins des autres.
La terre
La terre n'est la propriété de personne. Chacun a le droit de l'exploiter par son travail d'agriculteur ou d'éleveur dans les limites de ses possibilités et de ses besoins durant toute sa vie, ainsi que celle de ses héritiers. Il ne peut cependant utiliser lui-même une autre personne salariée ou non pour travailler cette terre. La terre est immuable, tandis que ceux qui l'exploitent passent avec le temps. Ils peuvent changer de métier et de capacité. C'est pourquoi la terre sur laquelle se
succèdent les générations ne peut faire l'objet d'une appropriation.
Le but de la nouvelle société socialiste est d'édifier une collectivité heureuse parce que libre. Ceci ne peut se réaliser que par la satisfaction des besoins matériels et moraux de l'homme, en libérant ces besoins de la domination d'autrui.
La satisfaction des besoins devra se faire sans l'exploitation ni l'asservissement d'autrui sinon, cela serait en contradiction avec la finalité de la nouvelle société socialiste.
Dans cette nouvelle collectivité, l'homme aura le choix de travailler, soit à son compte pour assurer la satisfaction de ses besoins matériels, soit participer à une entreprise socialiste où il partagera le produit réalisé, ou encore effectuer un
service public pour la collectivité qui lui garantira, en retour, ses moyens d'existence.
L'activité économique dans la société socialiste nouvelle sera productive, visant la satisfaction des besoins de l'homme. Elle ne sera ni improductive, ni orientée vers le profit en vue d'une thésaurisation stérile excédant la satisfaction des besoins. Une telle orientation n'aura plus cours dans une société régie par les
nouvelles règles socialistes.
Le but légitime de l'activité économique des individus devient la seule satisfaction des besoins de l'homme.
Le corollaire est donc que chaque individu ne peut prélever plus qu'il ne lui faut sur les biens de la société, car la richesse dans le monde et dans chaque société étant limitée, à un moment ou un autre, il en prendrait inévitablement une partie à ses semblables. Par contre, chacun a le droit à l'épargne sur sa propre production, mais sans avoir recours à l'effort d'autrui par l'exploitation des besoins des autres membres de la société.
Cette règle fondamentale doit être rigoureusement respectée si l'on veut éviter qu'une fraction de la population en exploite une autre. Il ne sera plus possible de réaliser des bénéfices sur le travail d'autrui et d'augmenter l'épargne individuelle au-delà des besoins, car cela se ferait aux dépens des autres, et deviendrait de l'exploitation.
Le travail salarié, outre qu'il asservit l'homme, lui enlève aussi toute motivation, car le producteur y est un homme "en location" et non un associé.
L'homme travaillant pour son propre compte est autrement plus dévoué dans sa tâche productive, car il est motivé par le fait qu'il compte sur son propre travail pour la satisfaction de ses besoins naturels.
L'homme qui travaille dans une entreprise socialiste en y étant associé est également plus motivé, car une part de la production lui revient pour assurer ses besoins.
Le salarié, quant à lui, est dépourvu de telles motivations. De ce fait, le salariat se trouve dans l'impuissance de résoudre le problème de l'accroissement et du développement de la production. Celle-ci repose en effet sur les épaules du
salarié et se trouve exposée à une perpétuelle détérioration, au niveau des produits, ou celui des services.
Quelques exemples illustrant les cas d'un travail salarié pour le compte de la société, d'un travail salarié pour le compte d'un intérêt privé, et celui du travail non salarié:
1) Premier exemple:
a) Le cas d'un travailleur qui produit 10 pommes pour le compte de la société qui lui octroie une pomme en contrepartie de sa production. Cette pomme satisfaisant complètement ses besoins.
b) Un travailleur produit 10 pommes pour le compte de la société qui lui octroie une pomme en contrepartie de sa production. Cette pomme ne satisfaisant pas les besoins de ce travailleur.
2) Deuxième exemple:
Le travailleur produit 10 pommes pour le compte d'un individu et ne perçoit en échange qu'un salaire équivalent à moins du prix d'une seule pomme.
3) Troisième exemple:
Un travailleur produit 10 pommes pour son propre compte.
Il résulte de ces exemples:
- Dans le cas a) du premier exemple: le travailleur n'augmentera pas sa production, car quoi qu'il fasse pour l'augmenter il n'obtiendra qu'une pomme pour la satisfaction de ses besoins. C'est pourquoi les forces laborieuses travaillant pour le compte de la société sont automatiquement et continuellement moroses.
- Dans le cas b) du premier exemple: le travailleur n'est pas motivé par la production, parce qu'elle se fait au profit de la société, sans qu'il obtienne en contrepartie ce qui est nécessaire à la satisfaction complète de ses besoins. S'il continue à travailler, c'est parce qu'il est contraint de se soumettre aux conditions générales du travail qui prévalent dans la société.
- Dans le deuxième exemple: le travailleur ne se soucie pas de la
productivité et se contente de travailler pour un salaire qui ne satisfait pas entièrement ses besoins. Dans ce cas, ou bien il se met à la recherche d'un autre patron pour lui vendre sa force de travail à un meilleur prix, ou bien il est contraint de poursuivre son travail pour subsister.
- Le troisième exemple quant à lui constitue le seul cas où le travailleur produit sans contrainte et sans morosité. La société socialiste ne permet pas une production supérieure à la satisfaction des besoins de l'individu qui l'effectue, ni que cette production se fasse par l'intermédiaire ou sur le dos d'autrui. Les entreprises socialistes oeuvrent pour la satisfaction des besoins de la société. De ce fait, le troisième exemple illustre la situation la plus saine de production économique, puisque dans tous les cas, y compris les pires, cette production se poursuivra pour la subsistance. Il n'est qu'à citer pour preuve le fait que la production dans les pays capitalistes se trouve concentrée et accumulée entre les mains d'une minorité de possédants
oisifs qui exploitent les prolétaires à produire pour survivre.
Cependant, le "Livre Vert" ne résout pas les seuls problèmes de production matérielle, mais aspire à frayer le chemin vers une solution globale des problèmes de la société humaine, afin d'assurer la libération matérielle et morale de l'individu, ainsi que son bonheur.
Autres exemples:
Supposons que la richesse d'une Société soit de 10 unités et que sa population soit également de 10 unités: la part de chacun sera de 1/10e, soit une unité.
Lorsqu'un membre de cette population détient plus d'une unité, c'est au détriment d'un autre qui, lui, ne disposera de rien. C'est ce qui explique qu'il y ait des riches et des pauvres dans les sociétés d'exploitation.
Si cinq membres de cette population possèdent chacun deux unités de la richesse, cela signifierait que les cinq autres membres de cette même population ne possèdent aucune partie de la richesse commune et que, par conséquent, la moitié de la population est privée de son droit. L'unité supplémentaire détenue par chacun des premiers devant revenir en fait aux cinq autres.
Par ailleurs, si la satisfaction des besoins d'un individu dans cette société ne nécessite qu'une unité de la richesse, celui qui détiendrait plus d'une unité usurperait, de ce fait, le droit des autres membres de la société. Il s'agirait là d'une thésaurisation qui se fait aux dépens des besoins d'autrui. C'est ce qui
explique d'une part l'existence d'accapareurs de richesses et, d'autre part, de démunis qui recherchent une part de la richesse et qui n'obtiennent rien. Il s'agit là, de toute évidence, de vol et de pillage sous couvert d'une législation injuste d'exploitation, en vigueur dans ce type de sociétés.
La richesse qui reste disponible une fois les besoins satisfaits devrait, au contraire, revenir à tous les membres de la société. Quant à l'épargne, les individus peuvent la faire en prélevant sur leurs seuls besoins, sinon cela aboutirait à une atteinte aux droits de la collectivité sur sa richesse.
Le fait d'être entreprenant et d'avoir un savoir-faire n'autorise pas pour autant la mainmise sur des parts d'autrui.
Cependant, l'homme entreprenant peut tirer profit de ses qualités pour la satisfaction de ses besoins propres et pour l'épargne effectuée sur ces mêmes besoins.
De même les handicapés et les déficients mentaux ont eux aussi droit à la même part de la richesse que les autres membres de la société. La richesse de la société est comparable à un organisme d'approvisionnement ou à un entrepôt qui fournit quotidiennement aux hommes de quoi suffire à leurs besoins. Ceci étant, l'homme est libre soit de consommer la totalité de sa part, soit d'économiser sur celle-ci en utilisant ses compétences et son savoir-faire pour se constituer une épargne.
Par contre, utiliser ce savoir-faire pour prélever plus que sa part sur le "stock d'approvisionnement" collectif est indéniablement un vol caractérisé effectué aux dépens de la Société ainsi qu'une atteinte à l'intérêt général.
Dans la nouvelle société socialiste, les inégalités dans la détention de richesses ne sont pas tolérables.
Dans le cas des personnes travaillant dans un service public, la société leur octroie une part équivalente à leurs services, prélevée sur la richesse nationale.
Cette part varie en fonction des services rendus par chacun d'eux. C'est là une nouvelle expérience qui vient couronner de magnifiques expériences historiques de la société humaine, et qui parachève la lutte de l'homme pour sa liberté et son bonheur, la satisfaction de ses besoins et le rejet de l'exploitation. Elle met définitivement un terme au despotisme par une répartition équitable de la richesse de la société dans un monde où chacun travaillera pour la satisfaction de ses propres besoins, sans faire travailler quelqu'un d'autre pour soi, et sans
être lui-même employé par un autre. C'est là une théorie de la libération des besoins pour la libération de l'homme.
La société socialiste nouvelle n'est autre qu'une conséquence dialectique découlant des rapports d'injustice existant dans le monde. Elle donne naissance à une solution naturelle qui est, d'une part, la propriété privée destinée à satisfaire les besoins de l'homme sans utiliser d'autres hommes, et d'autre part, la propriété socialiste au sein de laquelle les producteurs sont associés à la production et à son partage, remplaçant ainsi la propriété privée dont la production n'appartient pas aux salariés.
Celui qui possède la maison que vous habitez, la voiture dans laquelle vous vous déplacez et qui assure votre salaire pour votre subsistance, s'approprie en fait votre liberté, ou du moins une partie de celle-ci. Or, la liberté est indivisible.
Pour assurer son bonheur, l'homme doit être libre et il ne peut l'être qu'en étant maître de ses besoins.
Celui qui est maître des besoins d'un autre lui dicte sa loi, l'exploite et pourrait le réduire à l'esclavage et ce, en dépit de la législation qui pourrait lui interdire.
Les besoins incompressibles et indispensables à la vie, du vêtement à la nourriture, de la voiture au logement doivent être protégés et en aucun cas appartenir à un tiers, ils constituent une propriété privée et sacrée. Une location d'appartement permettrait à un propriétaire de s'immiscer dans votre vie privée
et de s'octroyer des revenus supplémentaires et cela même lorsque ce propriétaire est la collectivité.
Le propriétaire dispose alors de votre liberté et vous privera de votre bonheur.
C'est comme si vous louiez un habit dont le propriétaire est susceptible un jour de vous l'ôter en pleine rue et vous laisser nu.
De même le propriétaire du véhicule que vous conduisez pourrait intervenir et vous abandonner sur le bord de la route.
Enfin, le propriétaire du logement que vous habitez, a la possibilité de faire de vous un sans-abri.
Il serait ridicule de prétendre résoudre les problèmes découlant des besoins de l'homme par des mesures juridiques, administratives ou autres. C'est sur ces besoins essentiels que la société, conformément à des lois naturelles, s'édifie et prend racine.
Le but de la société socialiste est dans le bonheur de l'homme qui ne peut se réaliser qu'une fois sa liberté matérielle et morale acquise. La concrétisation de cette liberté dépend de la libre disposition par l'homme de ses besoins solennellement consacrés. Cela signifie que vos besoins ne devraient être en aucun cas la propriété d'un autre, ni susceptibles de vous être subtilisés par une quelconque partie de la société. Autrement, vous vivrez dans l'inquiétude, ce qui vous priverait de votre
bonheur et ferait de vous un homme sans liberté, parce que vivant sous la menace d'éventuelles interventions extérieures visant vos besoins essentiels.
Du fait des thèses économiques contradictoires qui s'affrontent actuellement dans le monde et en raison des rapports d'injustice découlant du salariat, restés à ce jour sans solution, le renversement des sociétés contemporaines fondées sur le salariat apparaît comme étant inéluctable, tout comme l'instauration de sociétés d'associés. La puissance des syndicats de travailleurs dans le monde capitaliste est apte à changer les sociétés capitalistes, de sociétés de salariat en sociétés d'associés.
L'éventualité de l'avènement de la révolution pour la réalisation du socialisme commence par la récupération par les producteurs de la part qui leur revient de leur production.
L'objet des grèves ouvrières ne sera plus la revendication d'augmentation des salaires, mais pour l'association dans la production. Cela se fera, tôt ou tard. Le "Livre Vert" ouvre la voie.
L'étape finale sera atteinte lorsque la société socialiste nouvelle parviendra au stade de la disparition du profit et de la monnaie. Cela se fera par la transformation de la société en une société entièrement productive et lorsque la production atteindra le stade de la pleine satisfaction des besoins matériels des membres de la société. A cette étape finale, le produit disparaîtra de lui-même et on se passera de la monnaie.
Admettre le profit équivaut à admettre l'exploitation. Car à partir du moment où on l'admet, rien ne peut plus le limiter.
Les mesures tendant à limiter, par les divers moyens, le profit, sont des tentatives réformistes et non radicales, et sont inaptes à empêcher l'exploitation de l'homme par l'homme.
La solution finale est dans l'abolition du profit. Néanmoins, le profit étant le moteur du processus économique, il ne peut être aboli par décret mais plutôt par l'évolution même de la production socialiste, c'est-à-dire une fois satisfaits les
besoins matériels de la société et des individus. C'est donc par cette recherche de plus de profits qu'on aboutira à la disparition finale du profit.
Les domestiques, qu'ils soient salariés ou non, représentent encore aujourd'hui un des types de l'esclavage. Ce sont même les esclaves des temps modernes.
La nouvelle société socialiste étant fondée sur l'association dans la production, et non sur le salariat, la loi socialiste naturelle ne peut s'appliquer aux domestiques qui ne produisent pas et ne fournissent que des services. En effet, les services ne
sont pas générateurs de biens matériels.
C'est pourquoi cette catégorie de personnel a dû travailler dans de mauvaises conditions moyennant un salaire ou toute autre forme de rémunération. Ainsi, les domestiques situés au bas de l'échelle socio-économique parmi les salariés, méritent d'être libérés en priorité de la société du salariat, société d'esclaves.
La troisième théorie universelle annonce la libération définitive des masses du joug de l'injustice, du despotisme, de l'exploitation et de la domination politique et économique, et l'avènement de la société de tous les hommes. Chacun y sera
libre. Tous seront égaux dans la détention du pouvoir de la richesse, et des armes, pour que la liberté triomphe totalement et définitivement.
Le "Livre Vert" trace la voie de l'émancipation des masses, salariés ou domestiques, et ainsi se réalisera la liberté de l'homme.
Pour les domestiques, il est indispensable de lutter pour les libérer de leur situation d'asservissement en les intégrant dans la production où ils deviendront des associés et bénéficieront de parts selon leur travail.
Les habitants d'une maison assureront eux-mêmes leur ménage. En cas de nécessité, on n'aura plus recours à des domestiques salariés ou non, mais à des fonctionnaires assurant les tâches de ménage et qui bénéficieront de l'avancement dans leurs fonctions et jouiront des garanties sociales et matérielles comme tout fonctionnaire.
Mouammar KADHAFI
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