Franc-Maçonnerie, bellicisme, et germanophobie
21/08/2012
Les gens mal informés sur sa nature réelle peuvent être tentés de croire que la Franc-Maçonnerie, compte tenu de ses habituels boniments et de son jargon à base de "paix" et de "fraternité" universelles, serait plutôt encline au pacifisme et au rapprochement entre les peuples, entre les nations. Or, le document que je me permets de présenter plus bas, relatif à la Première Guerre mondiale, apporte un démenti flagrant à cette croyance erronée.
Il n'est guère dans mes habitudes de porter en place publique des éléments familiaux relevant de la sphère privée, en l'occurrence la mienne. Pourtant, compte tenu du vécu et des engagements de certains de mes aïeux directs, et presque un siècle après les faits, il m'apparait opportun de "déclassifier" celui-ci, à titre purement informatif.
Mon arrière grand-père, père de ma grand-mère du côté paternel, du nom de Pierre Ménard, fut, entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle le secrétaire d'une loge dite "L'Education coopérative" du Grand Orient de France, notoirement l'une des plus influentes -et des plus néfastes- obédiences maçonniques. Tous ses fils -donc les frères de ma grand mère- qui étaient en âge de combattre au moment de la "Grande Guerre" sont tombés au "champ d'honneur". La lettre que je reproduis ci-dessous, et dont je retranscris le contenu pour une meilleure lisibilité, n'est jamais parvenue à son destinataire, qui venait de se faire tuer, et a donc été retournée à son expéditeur.
Il ne s'agit pas ici d'une simple lettre envoyée par un père à son fils parti combattre sur le front. Compte tenu du poste de responsabilité qu'occupait mon arrière grand-père au sein d'une loge du Grand Orient -que l'entête du papier à lettres utilisé ne manque d'ailleurs pas de rappeler-, chaque mot pèse. Ces quelques lignes en apparence anodines, agrémentée de propos aux relents germanophobes, témoignent de la position clairement belliciste qui fut alors celle de cette officine maçonnique, dont les dirigeants n'hésitèrent pas à encourager leurs propres fils à aller se faire tuer pour "casser du boche"...
Voici donc la lettre en question en images scannées, suivies de la retranscription de son contenu.
(Cliquez sur chaque image pour l'agrandir)
1/ Enveloppe, frappée du tampon "Retour à l'envoyeur" (destinataire tué sur le front) :
2/ Recto, avec en-tête maçonnique de la loge "L'Education coopérative" du Grand Orient de France :
3/ Verso de la lettre :
4/ Retranscription du contenu :
Paris, le 25 janvier 1915
Mon bien cher fils
Tes deux dernières lettres du 12 et du 17 nous sont parvenues presque ensemble, la première vendredi, la deuxième hier dimanche.
Ta lettre m'a confirmé ce que je pensais, c'est que tu es entré dans la danse.
Comment t'en es-tu tiré ?
J'espère pour toi que le premier moment, celui qui fait saluer la mitraille, ne s'est pas prolongé outre mesure et que ce tribut payé une fois à la carcasse de la bête humaine qui veut que l'on ait peur pour elle, tu es redevenu toi-même, c'est-à-dire, l'être qui pense et qui agit sachant ce qu'il doit faire.
Je vois d'après les communiqués que tu es dans le bon coin où l'on s'agite, malheureusement comme je te le dis dans une précédente lettre vous ne pouvez rien faire de sérieux avant 5 ou 6 semaines, je dis sérieux au point de vue résultats . Il vous faut patauger en rongeant votre frein, mais patience !
L'ennemi souffre plus que vous et sans espoir, aussi en vérité je vous le dis, nous aurons le dessus !
Tu peux montrer mes lettres à l'officier chargé de viser les tiennes avant leur départ, il comprendra que tu peux me dire où tu es, et sachant que tu n'as plus que ton père qui se croit un homme et un Français, il n'aura pas à redouter les émotions maternelles à la lecture des communiqués.
Comme je te l'ai déjà dit, je crois, et c'est une prescience que je ne puis expliquer, je crois que tu me reviendras homme, et ayant fait tout ton devoir, je crois que j'aurai le droit d'être fier de mon troisième fils.
Ton vieux père qui t'embrasse,
P. Ménard
PS : Tes frères, ta soeur, tous ici sommes en bonne santé !
Tous t'embrassent et te disent : bon courage !
As-tu reçu le numéro de l'Officiel donnant le rapport sur les atrocités allemandes, et le papier et les enveloppes que j'y avais joints ?
P.M.
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Les propos va-t-en-guerre et germanophobes tenus dans ce courrier, adressé par son maçon de père à son propre fils, donnent vraiment la nausée. Ils reflètent bien la position maçonnique de l'époque... C'est édifiant, car cela en dit long sur le rôle qu'a pu jouer le Grand Orient au sein des instances dirigeantes françaises de cette période. Loin de déplorer le conflit et d'en dénoncer le caractère odieux et fratricide, loin de rechercher l'apaisement, la société secrète a bien au contraire pris parti de façon on ne peut plus claire, s'employant même à souffler sur les braises pour mieux l'attiser !
En ce qui me concerne, et bien qu'arrière petit-fils d'un "Frère maçon", je déteste l'antigermanisme, et particulièrement la germanophobie française de 14-18, qui aura battu tous les records en matière de xénophobie bête et méchante, et qui sera descendue au plus bas dans l'infamie. Plus près de moi encore, mon grand-père paternel, Marcel Cany, a participé à cette boucherie inter-impérialiste. Il a été médaillé moultes fois fois pour ses faits d'armes, et a notamment reçu les plus prestigieuses décorations : la Croix de Guerre de 1ère classe, et la Médaille Militaire. Gravement blessé au visage suite à l'explosion d'une grenade, il est ressorti estropié de cette funeste expérience. On ne peut donc guère me reprocher d'être issu d'une famille de poltrons ou de planqués. On l'a instrumentalisé et entraîné de force dans ce conflit absurde. Par la suite, il a réalisé à quel point on l'avait conditionné, et il a compris que le bellicisme anti-allemand avec lequel on lui avait bourré le crâne n'était en fait basé que sur les mensonges de la propagande de guerre, celle-là même que le Grand Orient et autres officines maçonniques se sont efforcées de relayer avec zèle...
Qu'il soit bien entendu que pour ma part, je ne me sens nullement concerné par le discours patriotard français de cette période, car il m'inspire le plus profond dégoût. A mon sens, la prétendue "Grande Guerre" ne fut qu'une guerre civile européenne, un conflit d'intérêts entre impérialismes rivaux, et une gigantesque boucherie dont les peuples d'Europe furent tous les victimes au même titre. Même les peuples colonisés ont alors été expédiés en masse à l'abattoir dans le cadre d'un conflit qui ne les concernait nullement, et pour servir des intérêts qui leur étaient totalement étrangers. Tous, Européens, Africains, Asiatiques et Américains, durent aller au casse-pipe de gré ou de force, et le plus souvent de force, par les mêmes salopards politico-financiers qui les exploitaient, les opprimaient et les ruinaient. Pour moi, il n'y a pas de "bon" ni de "mauvais" camp, dans la guerre de 1914-1918. Et je ne prendrai certainement pas le parti de la France et des Alliés sous prétexte qu'il est écrit "nationalité française" sur ma carte d'identité. Il n'y a pas lieu d'être fiers de cette tragédie au nom de je ne sais quel patriotisme inepte. Et il n'y a pas lieu, de surcroit, d'entonner les mêmes chants guerriers et xénophobes qui furent alors aussi ceux du Grand Orient de France et autres compères affairistes.
Hans CANY
1 commentaire
tres interessant je vous mets en lien !
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