Les propos et réflexions qui suivent n'engagent que moi.
Je ne parlerai donc ici qu’en mon nom propre, bien que je sois convaincu qu’un grand nombre d’autres partisans kadhafistes partagent plus ou moins secrètement mon point de vue, à défaut de l’exprimer ouvertement comme je le fais ci-dessous. Il est temps aujourd'hui, pour tous ceux qui, comme moi-même, doutent et s'interrogent, de sortir de la prudente réserve dans laquelle ils demeuraient confinés jusqu'à présent.
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Une "détention" suivie d'une "libération" qui posent questions
Si je ne peux évidemment que saluer la libération enfin effective de Saïf al-Islam, officiellement annoncée le 10 juin 2017, de nombreuses questions se posent quant au contexte véritable dans lequel elle se produit.
Bien sûr, cela constitue à première vue une bonne nouvelle compte tenu de ses conséquences potentielles pour l’avenir du pays, et cela ne peut qu’inspirer un certain soulagement quant au sort personnel de l’intéressé. Toutefois, il n’en demeure pas moins que beaucoup de zones d’ombre enveloppent l’ensemble de la période de captivité présumée de Saïf al-Islam.
A commencer par les circonstances réelles de son « arrestation », survenue de façon inattendue en novembre 2011. Est-il nécessaire de rappeler que divers éléments font penser de manière troublante à une reddition négociée, plutôt qu’à une capture en bonne et due forme ? Comment expliquer les nombreuses images qui ont fuité, et qui semblent indiquer qu’il entretenait des rapports particulièrement cordiaux avec ses présumés geôliers de la milice islamiste de Zenten ? A-t-il été véritablement détenu par cette milice durant toutes ces années, ou bien a-t-il en réalité bénéficié de sa part d’une protection maquillée en détention, le mettant ainsi à l’abri de la vindicte du pouvoir autoproclamé de Tripoli, émanation des fous furieux islamistes rivaux de Misrata ? Quels compromis, quels marchés tenus secrets Saïf al-Islam a-t-il pu conclure avec ses supposés geôliers pour que ceux-ci lui réservent le flagrant traitement de faveur que l’on sait ? A quels renoncements et autres arrangements a-t-il pu consentir pour finalement aboutir à l’annonce officielle de sa libération ? Faut-il croire que celle-ci n’intervient qu’en vertu d’un obscur décret d’amnistie, comme cela a été officiellement avancé en guise de justification, ou bien faut-il plutôt y voir d’autres motivations cachées ?
Il est pour le moins légitime de s’interroger à propos de tout ceci, car le moins que l’on puisse dire est que cette affaire est douteuse. Les circonstances en question ne sont pas simplement troubles, elles sont carrément opaques. On comprendra donc que je préfère, pour l’heure, m’en tenir à une prudente réserve, plutôt que de me laisser entraîner dans la spirale d’enthousiasme qui semble avoir gagné bon nombre de camarades de lutte, depuis l’annonce définitive de cette fameuse libération, tant attendue et espérée depuis si longtemps. C’est notamment en cela que mon positionnement diverge sensiblement de celui de beaucoup de camarades, qui ont aussitôt décidé de prêter pour ainsi dire allégeance à Saïf. A vrai dire, ils l’avaient déjà désigné comme chef de file bien avant sa libération officielle, ce que j'ai pour ma part toujours considéré quelque peu imprudent et précipité, compte tenu du flou qui entoure le personnage.
Le "nouveau Guide" de la révolution verte ? Vraiment ?
Pour ne rien cacher, je dois dire que j’émets de sérieux doutes quant à la fiabilité et à l’intégrité idéologique de Saïf al-Islam. Non pas que je mette en doute sa bonne volonté ni sa sincérité, au moins relative. Toutefois, en ce qui me concerne, je ne suis pas de ceux qui s'emballent pour lui. Je n'oublie pas la part de responsabilité écrasante qui fut la sienne dans le déclenchement du désastre de 2011. Je ne parle pas de son prétendu rôle dans la répression du soi-disant "soulèvement", mais de tout ce qui a précédé ces funestes évènements.
Certes, il a été instrumentalisé par une certaine clique pendant des années, afin de saper de l'intérieur les fondements de la Jamahiriya. Je veux bien entendu parler d’une certaine faction conspirationniste de hauts dignitaires du régime, gravitant notamment autour de Moussa Koussa, démissionnaire de son poste de ministre des affaires étrangères lorsqu’il a fait défection dès le 30 mars 2011, date à laquelle il est parti se réfugier à Londres. C’est précisément ce même Moussa Koussa, personnage au rôle éminemment néfaste et probable agent de puissances étrangères, qui fut comme par hasard le grand mentor du jeune Saïf al-Islam durant de trop nombreuses années, le modelant à sa convenance jusqu’à en faire le « dauphin » réformateur que l’on sait. C’est donc lui qui a poussé Saïf à plaider en faveur de prétendues « réformes » d’essence libérale auprès de son père, incitant toujours et encore plus ce dernier à accepter des « aménagements » successifs qui, sapant certains fondements essentiels du régime, contribueront à le déstabiliser gravement, pour finalement le mener à sa perte.
C’est sous l’égide de ce type d’individus que Saïf al-Islam, idéologiquement plutôt « tiède » et depuis longtemps déjà soumis à l’influence occidentale du faits de ses longs et fréquents séjours en Europe, parviendra par le truchement de son père à imposer de notables changements en matière de commerce et d’économie dans un premier temps. Par la suite, il obtiendra aussi de notables infléchissements en matière de politique étrangère, de même que l’adoption de mesures réduisant le champ d’application de la démocratie directe. Mais le coup de grâce et l’erreur ultime, fatale, fut certainement la libération massive par Saïf de milliers de djihadistes et autres terroristes islamistes incarcérés dans les prisons libyennes par son père... contre lequel ils s’empresseront aussitôt, dès le 17 février 2011, de reprendre les armes, avec toutes les conséquences cataclysmiques que l’on sait !
Qu’on le veuille ou non, la vérité objective est que Saïf al-Islam a été le fossoyeur de la Jamahiriya, l’artisan instrumentalisé de sa mise à mort et de sa destruction. Sans aucun doute, tel n’était pas le but qu’il recherchait. Mais même si cela s'est fait à son insu, même s'il n'était sans doute pas animé de mauvaises intentions, et même s’il a sur le tard ouvert les yeux et tenté de racheter ses fautes en adoptant une conduite honorable, le mal était malheureusement fait. Et il est irréparable.
Il est notoire que Saïf est un peu trop enclin aux compromissions pour que l'on puisse en attendre monts et merveilles. Saïf n'est pas son père, loin s'en faut. Il ne faut pas se faire d'illusions. Pour ma part, je me refuse donc à reconnaître son autorité. Et je le considèrerai encore moins comme l’ improbable nouveau "Guide" d’une future nouvelle Jamahiriya.
On me pardonnera donc si je préfère m'en tenir à un certain recul, du moins dans l'état actuel des choses, et si je ne verse pas dans la ferveur militante pro-Saïf. Je préfère laisser cela à celles et ceux qui ne partagent pas mes doutes.
Probablement un moindre mal pour la Libye
Ces nécessaires mises au point étant faites, le tableau n'est toutefois pas totalement noir.
Je crois que dans une certaine mesure, même si je ne me fais guère d’illusions à son sujet, Saïf al-Islam peut malgré tout œuvrer à une certaine stabilisation et à une normalisation de la situation intérieure sur fond de « réconciliation nationale », seules à même d’assurer la restauration d’un semblant d’unité et de cohésion territoriales dans le pays. C’est une étape incontournable si l’on veut que soit enfin mis un terme à la situation dramatique que connait la Libye depuis six longues années, conséquence directe du grand crime impérialiste perpétré par les forces de l’OTAN et leurs alliés.
Je pense que Saïf al-Islam, au-delà de tout ce qu’on peut lui reprocher, est potentiellement en mesure d’accomplir cette tâche qui consiste à prodiguer au pays les « premiers soins », dans une situation d’urgence absolue. Le prestige attaché à son patronyme comme à son passé -même si c’est à tort- lui assure une certaine légitimité et une audience indéniable auprès de nombreux chefs de tribus. Il ne faut pas oublier que la société libyenne est traditionnellement organisée de façon tribale, clanique. Celui qui parvient à rallier, à fédérer l’ensemble des tribus, ou du moins les plus importantes, détient les clés du pouvoir en Libye.
Je ne peux donc que lui souhaiter une pleine réussite dans cette tâche, même si certaines rumeurs me font hélas douter qu’il opte pour la meilleure des stratégies. Il est en effet plus ou moins question, selon certaines sources, d’une possible alliance combattante entre les partisans de Saïf al-Islam et ceux du prétendu « maréchal » autoproclamé Haftar. Or, si cela s’avère bien exact, le pire est hélas à redouter. Lorsqu’on sait qu’Haftar n’est autre qu’un militaire félon, renégat de la Jamahiriya ayant rejoint le camp des traîtres en 2011, lorsqu’on sait aussi qu’il est notoirement entouré d’éléments salafistes, lesquels se retrouvent d’ailleurs en très grandes proportions au sein même de ses troupes, on est en droit de s’interroger quant à la pertinence d’un tel choix d’alliance…
Mon pronostic en demi-teinte
On l’aura bien compris, la conjoncture actuelle ne m’incite guère à l’optimisme.
Dans le meilleur des cas, je pense que Saïf al-Islam parviendra peut-être à apaiser la Libye, et à reconstruire un Etat « normal » sur les ruines de ce qui a été anéanti. Je ne crois cependant pas à la renaissance d’une Jamahiriya digne de ce nom sous l’égide d’un militant aussi peu intègre que lui, même s’il ne faut pas négliger l’importance du rôle que peut revêtir une telle croyance en tant que mythe mobilisateur. Paradoxalement, c’est peut-être ce genre d’espérance, l’espoir de retrouver une sorte de « paradis perdu », qui rassemblera le peuple à ses côtés, et qui lui permettra finalement de parvenir à ses fins. Qui vivra verra…
Mais ceci, et je me bornerai à le souligner en guise de conclusion, entre dès lors dans le cadre d’un combat qui n’est pas -ou plus- le mien.
Hans Cany
Le 31 août 2017,
à la veille du 48ème anniversaire
de la Révolution Al Fateh.
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1 commentaire
Vous avez raison de douter de cet homme... pour ma part, je pense même qu'il est pire que ça... il a été invité à New York pour rencontrer les pontes du groupe Carlyle (dont Carlucci)... et pour tout dire, si vous vous intéressez à la London School of economics de Londre, vous allez comprendre que tout ceux qui ont fréquenté ou fréquentent encore cette "usine d'endoctrinement" sont tous du côté de l'olligarchie mondialiste et Saïd Al islam de la même manière que son maître Soros...
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