Sommes-nous carnivores, omnivores ou herbivores ?
24/07/2012
Pour en finir avec une certaine idée reçue...
Par Charles Danten
Un rapport récent de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO 2006) est particulièrement éloquent : Si nous continuons à privilégier un régime omnivore à tendance carnivore, nous finirons avant longtemps par épuiser les ressources d’eau, polluer les rivières, les lacs et les terres, assécher les prairies, détruire les forêts et la biodiversité.
LE BIEN ÊTRE ANIMAL
Et c’est sans mentionner les milliards de poulets, de porcs, de lapins, de canards, d’oies et de poissons qui croupissent dans des élevages hyper polluants, dans des conditions proches du sadisme, totalement injustifiées même d’un point de vue strictement productiviste. Les poules pondeuses par exemple, sont enfermées à cinq dans un espace de 45 cm par 50 cm, ce qui fait pour chacune un espace équivalent à une feuille de papier. "À titre de comparaison, conclue Vilmer, cela reviendrait à enfermer durant toute leur vie cinq humains dans une cabine téléphonique."LE RISQUE DE PANDÉMIE
Plusieurs de nos maladies contagieuses sont transmises par les animaux domestiques. La peste porcine par exemple a tué des millions de personnes au siècle dernier. Et présentement, le spectre de la grippe aviaire - une maladie dérivée de la mondialisation et de néo-libéralisme - plane sur nous.LES EFFETS DÉLÉTÈRES SUR LA SANTÉ
Mis à part les méfaits sur la santé des antibiotiques et des hormones de croissance couramment employés pour augmenter le taux de rendement de l’élevage, certains cancers du système digestif et les accidents cardiovasculaires sont reliés à un régime alimentaire trop riche en produits d’origine animale. Selon certains chercheurs indépendants de l’industrie agro-alimentaire, non seulement le lait de vache ne prévient pas l’ostéoporose, mais il la favorise. À ce tableau, il faut aussi ajouter notamment la salmonellose et le E.Coli deux maladies fréquentes associée à une denrée hautement périssable.LA FAMINE
Enfin, selon J.-B. J. Vilmer, "les excès de l’élevage industriel contribuerait à l’iniquité de la distribution de nourriture, creusant ainsi un gouffre entre malnutrition d’un côté et suralimentation de l’autre […] La quantité de céréales nécessaires pour nourrir le bétail qui nourrira un seul homme permettrait en effet de nourrir directement 20 personnes."
***
Or, compte tenu de ce sombre bilan, peut-on vivre sans manger les animaux et leurs sous-produits ? Sommes-nous carnivores, omnivores ou herbivores ? C’est pour répondre à cette question vitale que j’ai rencontré le médecin, physiologiste et nutritionniste Américain, Milton Mills.
Ne pouvons-nous pas - et c'est ce qui expliquerait notre grand succès comme espèce - manger tout ce que nous voulons ? Ne sommes-nous pas foncièrement des omnivores ?
Milton Mills : Non ! Nous sommes des herbivores. Notre corps est admirablement bien équipé pour se procurer et traiter la matière végétale. Nous avons évolué pendant des millions d’années dans le berceau africain. C’est à cet endroit, dans des conditions climatiques et écologiques équatoriales, que se sont forgées nos caractéristiques morphologiques et physiologiques actuelles. Or, selon les données issues de l'étude des fossiles, notre ancêtre était un herbivore. Il se nourrissait de fruits, de baies, de racines et de graines. Il avait une niche écologique très spécialisée qui lui a permis de survivre et de prospérer. Il n’était pas en compétition avec les prédateurs comme le loup et le lion. Et heureusement d’ailleurs, car il ne faisait pas le poids. Entre autres, sa vitesse de déplacement était insuffisante, son odorat était relativement faible, son ouïe était médiocre. De plus, la marche est notre mode de locomotion le plus naturel, et cette activité est particulièrement bien adaptée à la cueillette.
Oui, mais nous avions des outils et des armes, c’était un avantage décisif !
En effet, mais pas aussi important qu’on pourrait le croire. Les premiers outils sont apparus il y a environ un million d’années. Pendant des centaines de milliers d’années, ces outils étaient très rudimentaires et peu efficaces. Essayez de chasser un bison, un auroch - l’ancêtre du boeuf - ou même une gazelle avec des pierres taillées grossièrement ! Plus tard, avec l’invention de la lance et de l’arc, il y a à peine 100 000 ans, les techniques de chasse s’améliorent quelque peu. Cependant, cette activité est pleine d’imprévus et la réussite est loin d’être assurée. En étudiant les quelques tribus qui vivent encore plus ou moins comme nos ancêtres, nous avons appris qu’il est très difficile, avec des armes rudimentaires, de capturer ou de tuer une proie. Ils réussissent environ une fois sur vingt après maints efforts. Il serait tout à fait absurde dans ces conditions d’essayer d'assurer la survie de ses enfants sur ce genre d’activité. Chez les cueilleurs-chasseurs modernes, la base de l’alimentation est végétale, complétée à l’occasion par des insectes, quelques œufs et, rarement, avec un animal de taille petite ou moyenne. L’activité principale est la cueillette et non la chasse.
L’image de l’homme des cavernes, chasseur redoutable et sanguinaire, cruel et carnivore, toutes dents et toutes griffes dehors, est donc un mythe ?
Oui, tout à fait ! Vous savez, la paléoanthropologie est née en Angleterre, au XIXème siècle, en pleine révolution industrielle. À cette époque, et ça n’a guère changé, la viande était associée à la force, à la virilité, à la longévité et au statut social. Par ignorance des principes nutritionnels, on la considérait comme l’aliment idéal pour notre espèce. C’est avec ces notions erronées que les premiers anthropologues ont interprété notre histoire. De là est né le mythe de l’homme des cavernes. C’est devenu un des éléments pivots du machisme et de la fierté masculine. L’idée du grand chasseur, maître de la nature et pourvoyeur de ces dames, a fait couler beaucoup d’encre depuis. Or, cette notion ¨romantique¨ est peu plausible et difficile à concilier avec la réalité. Plusieurs anthropologues contemporains remettent en question cette interprétation.
Sur quels critères vous appuyez-vous pour déterminer le type d'alimentation le plus naturel pour notre espèce ?
Il y a un minimum de trois facteurs à prendre en compte : les considérations anthropologiques - que nous venons de discuter - puis l’adaptation biologique et, enfin, les conséquences physiologiques ou, si vous voulez, les bénéfices d’un régime alimentaire particulier.
Examinons maintenant les caractéristiques biologiques. On peut classifier les mammifères, selon leur type d’alimentation, en carnivores, en omnivores ou en herbivores. Comme chaque classe a des caractéristiques anatomiques et physiologiques bien spécifiques, il est facile, par une étude comparative, de situer notre espèce.
Les carnivores et les omnivores sont équipés pour poursuivre, capturer, tuer, manger et digérer rapidement leur proie. Leurs griffes sont longues, robustes et acérées, pour les aider à la saisir et l’immobiliser. Ils ont une gueule très grande par rapport à la taille du crâne. Cela leur donne un avantage certain pour saisir, tuer et déchiqueter une prise. Leurs dents sont pointues et très acérées car elles servent surtout à déchiqueter la viande. L’articulation de la mâchoire ne permet que les mouvements verticaux. En général, ces animaux avalent tout rond, sans mastication, la plus grande quantité possible de nourriture. Par conséquent, leur estomac est relativement volumineux- 60 à 70% du volume total de l’appareil digestif- pour recueillir une grande quantité de nourriture d‘un seul coup. La très grande acidité de l’estomac favorise la digestion rapide des aliments et protège ces animaux contre une contamination bactérienne très élevée. Les intestins sont courts – 3 à 5 fois la longueur du corps mesuré de la bouche à l’anus, car les produits de la digestion sont absorbés rapidement.
Par comparaison, les herbivores n’ont pas de griffes acérées. Comme nous, en général, ils ont une gueule de petite taille proportionnellement à la tête. Ils ont des lèvres charnues et très musclées spécialisées dans la préhension fine de petites quantités d’aliments. La structure des dents, de la mâchoire et de la langue est hautement spécialisée. La surface des dents est plate, ce qui favorise la mastication. La mâchoire est très mobile, permettant les mouvements dans tous les sens. La nourriture est mastiquée, broyée, mélangée longuement avant d’être avalé en petite quantité. Notre salive, contrairement aux carnivores, et aux omnivores comme l’ours et le raton laveur, contient une enzyme qui amorce et facilite la digestion. Nos secrétions gastriques sont beaucoup moins acides que chez les carnivores. L’intestin, où la plupart des aliments sont absorbés, est beaucoup plus long – 10 à 12 fois la longueur du corps – ce qui favorise la digestion. Enfin, le colon ou le gros intestin, la partie la plus postérieur du système digestif, est en général beaucoup plus complexe que chez les carnivores et les omnivores. Notre anatomie, à nous êtres humains, cadre très bien avec cette description.
Quand on pense à un herbivore, on pense à la vache, au mouton ou au cheval. Or, ces animaux ont un système digestif très complexe, souvent composé d'un estomac à plusieurs compartiments. Ces animaux peuvent manger et digérer le foin, ce qui n'est pas notre cas?
Selon ma définition, tout animal qui mange une nourriture dérivée des plantes est un herbivore. Cela dit, il y en a plusieurs types, équipés de façon variable pour digérer différentes sortes de matières végétales. Ceux qui mangent du foin, une matière très fibreuse, riche en cellulose, difficile à digérer, ont un système digestif très complexe. Ils sont capables, par un processus de fermentation bactérienne, de dégrader et de transformer des aliments très indigestes. Notre espèce est plutôt adaptée pour traiter une matière végétale beaucoup plus digeste comme les fruits, les légumes tendres, les racines et les noix. Par conséquent, notre système digestif est plus simple. Il n'en demeure pas moins que nous sommes des herbivores.
Et la fameuse vitamine B12 ?
La manière dont nous métabolisons cette vitamine confirme notre nature d’herbivores. Nous sommes fait pour manger des aliments qui en contiennent en général une infime quantité. Cependant, nous sommes merveilleusement bien équipés pour l'absorber, la transformer et la préserver. Ce n’est pas le cas des carnivores et des omnivores qui en trouvent facilement de très grandes quantités dans la viande.
Voulez-vous dire qu’on n’a pas à se soucier de cette vitamine ?
La vitamine B12 est produite par les bactéries, or, depuis que l'on aseptise eau et aliments, il est plus difficile de combler ses besoins, quoique ce ne soit pas impossible. En effet, certaines bactéries résidant dans notre bouche et nos intestins en synthétisent une certaine quantité. Enfin, plusieurs aliments ainsi que les fruits et les légumes biologiques non traités et que l’on mange avec la peau (et donc ayant en surface une quantité appréciable de bactéries) en contiennent également. Les végétaliens qui s’alimentent bien n’ont pas de difficultés à combler leurs besoins en B12. En cas de doute, il est tout de même préférable de vérifier annuellement son taux de B12 ou de prendre un supplément, à raison de 25 mg par semaine, et non de 50 mg par jour comme le recommandent les fabricants.
C’est tout de même étonnant, depuis le temps, qu’on ne soit pas mieux adaptés pour manger de la viande ?
Nous ne sommes devenus omnivores puis carnivores que depuis relativement peu de temps, en réponse à des impératifs culturels et non biologiques. Cette nuance est très importante, car même si nous pouvons manger presque n'importe quoi, cela ne veut pas nécessairement dire que c’est bon pour nous. Contrairement à l’évolution technologique et culturelle, l’évolution biologique se produit sur des centaines de milliers, voire des millions d’années. C’est un peu le lièvre et la tortue. Ce ne sont pas les adaptations morphologiques qui ont permis à l’homme préhistorique de chasser, puis de consommer des animaux; c’est son intelligence qui lui a permis de faire ce que son anatomie lui refusait. En d’autres termes, au lieu de sélectionner les modifications gastro-intestinales les mieux adaptées à ce type d’alimentation, la sélection naturelle a favorisé les plus habiles chasseurs, les plus ingénieux fabricants d’outils ainsi que les adaptations culturelles associées.
Pour résumer, nous sommes surtout faits pour manger des plantes. Or, en Occident, la plupart des gens font le contraire; comment expliquez-vous cette déviation ?
C’est en quittant le berceau africain pour occuper des régions plus froides que l’homme a changé, en très peu de temps, pour des raisons vitales, son régime alimentaire. Il a dû s’adapter aux variations saisonnières de la croissance des végétaux en incorporant à son alimentation de plus en plus de produits carnés au fur et à mesure qu’il s’est déplacé vers le Nord. Les animaux étaient abondants et il ne semblait y avoir aucune contre-indication. L’invention de l’outil et son perfectionnement a facilité cette évolution. Puis, il y a 10 000 ans, c’est la domestication massive des plantes et des animaux. Cependant, le régime alimentaire de base demeure essentiellement composé de plantes. Les agriculteurs avaient des animaux pour les aider à travailler la terre. Ils buvaient leur lait, ils mangeaient les oeufs de la volaille, mais, en général, ils ne les tuaient pas. Les animaux étaient bien trop précieux. Ils s’en servaient également comme monnaie d’échange. Pendant des siècles, la viande était une denrée presque exclusivement réservée aux riches marchands, aux nobles et aux aristocrates.
C’était un symbole de rang social et de prospérité. Les pauvres en mangeaient seulement à certaines occasions, lors des fêtes religieuses par exemple. Puis, il y a à peine deux cents ans, à la suite de la révolution industrielle, l’élevage des animaux de boucherie s’est intensifié, et la viande, notamment le bœuf, est devenue de plus en plus populaire et accessible à tous les échelons sociaux. Nous sommes donc devenus des omnivores à tendance carnivore à une grande échelle, depuis tout récemment, avec les conséquences que nous connaissons tous.
Vos arguments sont convaincants. Pourtant, comment expliquer que de nombreuses personnes vivent en santé et parfois très vieux, en mangeant de la viande et ses nombreux dérivés ?
Il y a d'autres facteurs en jeu. Le stress, la génétique, les polluants chimiques et autres, la quantité consommée, le niveau d'activité ont une grande influence. Manger de la viande, des œufs et du lait en modération, passe encore. Toutefois, ce n'est pas l'idéal pour notre espèce. Nous sommes essentiellement des herbivores et notre corps a de la difficulté à digérer et à métaboliser cette nourriture. Ce n'est pas pour rien que les maladies nutritionnelles sont si nombreuses. Enfin, il importe de faire des choix alimentaires qui concordent avec le contexte démographique et écologique actuel. Il serait donc prudent de revenir à un régime, somme toute, beaucoup plus naturel pour notre espèce. Ce n'est pas une régression, mais un retour salutaire. C'est sans doute pour notre espèce une question vitale.
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Or, compte tenu de ce sombre bilan, peut-on vivre sans manger les animaux et leurs sous-produits ? Sommes-nous carnivores, omnivores ou herbivores ? C’est pour répondre à cette question vitale que j’ai rencontré le médecin, physiologiste et nutritionniste Américain, Milton Mills.
Ne pouvons-nous pas - et c'est ce qui expliquerait notre grand succès comme espèce - manger tout ce que nous voulons ? Ne sommes-nous pas foncièrement des omnivores ?
Milton Mills : Non ! Nous sommes des herbivores. Notre corps est admirablement bien équipé pour se procurer et traiter la matière végétale. Nous avons évolué pendant des millions d’années dans le berceau africain. C’est à cet endroit, dans des conditions climatiques et écologiques équatoriales, que se sont forgées nos caractéristiques morphologiques et physiologiques actuelles. Or, selon les données issues de l'étude des fossiles, notre ancêtre était un herbivore. Il se nourrissait de fruits, de baies, de racines et de graines. Il avait une niche écologique très spécialisée qui lui a permis de survivre et de prospérer. Il n’était pas en compétition avec les prédateurs comme le loup et le lion. Et heureusement d’ailleurs, car il ne faisait pas le poids. Entre autres, sa vitesse de déplacement était insuffisante, son odorat était relativement faible, son ouïe était médiocre. De plus, la marche est notre mode de locomotion le plus naturel, et cette activité est particulièrement bien adaptée à la cueillette.
Oui, mais nous avions des outils et des armes, c’était un avantage décisif !
En effet, mais pas aussi important qu’on pourrait le croire. Les premiers outils sont apparus il y a environ un million d’années. Pendant des centaines de milliers d’années, ces outils étaient très rudimentaires et peu efficaces. Essayez de chasser un bison, un auroch - l’ancêtre du boeuf - ou même une gazelle avec des pierres taillées grossièrement ! Plus tard, avec l’invention de la lance et de l’arc, il y a à peine 100 000 ans, les techniques de chasse s’améliorent quelque peu. Cependant, cette activité est pleine d’imprévus et la réussite est loin d’être assurée. En étudiant les quelques tribus qui vivent encore plus ou moins comme nos ancêtres, nous avons appris qu’il est très difficile, avec des armes rudimentaires, de capturer ou de tuer une proie. Ils réussissent environ une fois sur vingt après maints efforts. Il serait tout à fait absurde dans ces conditions d’essayer d'assurer la survie de ses enfants sur ce genre d’activité. Chez les cueilleurs-chasseurs modernes, la base de l’alimentation est végétale, complétée à l’occasion par des insectes, quelques œufs et, rarement, avec un animal de taille petite ou moyenne. L’activité principale est la cueillette et non la chasse.
L’image de l’homme des cavernes, chasseur redoutable et sanguinaire, cruel et carnivore, toutes dents et toutes griffes dehors, est donc un mythe ?
Oui, tout à fait ! Vous savez, la paléoanthropologie est née en Angleterre, au XIXème siècle, en pleine révolution industrielle. À cette époque, et ça n’a guère changé, la viande était associée à la force, à la virilité, à la longévité et au statut social. Par ignorance des principes nutritionnels, on la considérait comme l’aliment idéal pour notre espèce. C’est avec ces notions erronées que les premiers anthropologues ont interprété notre histoire. De là est né le mythe de l’homme des cavernes. C’est devenu un des éléments pivots du machisme et de la fierté masculine. L’idée du grand chasseur, maître de la nature et pourvoyeur de ces dames, a fait couler beaucoup d’encre depuis. Or, cette notion ¨romantique¨ est peu plausible et difficile à concilier avec la réalité. Plusieurs anthropologues contemporains remettent en question cette interprétation.
Sur quels critères vous appuyez-vous pour déterminer le type d'alimentation le plus naturel pour notre espèce ?
Il y a un minimum de trois facteurs à prendre en compte : les considérations anthropologiques - que nous venons de discuter - puis l’adaptation biologique et, enfin, les conséquences physiologiques ou, si vous voulez, les bénéfices d’un régime alimentaire particulier.
Examinons maintenant les caractéristiques biologiques. On peut classifier les mammifères, selon leur type d’alimentation, en carnivores, en omnivores ou en herbivores. Comme chaque classe a des caractéristiques anatomiques et physiologiques bien spécifiques, il est facile, par une étude comparative, de situer notre espèce.
Les carnivores et les omnivores sont équipés pour poursuivre, capturer, tuer, manger et digérer rapidement leur proie. Leurs griffes sont longues, robustes et acérées, pour les aider à la saisir et l’immobiliser. Ils ont une gueule très grande par rapport à la taille du crâne. Cela leur donne un avantage certain pour saisir, tuer et déchiqueter une prise. Leurs dents sont pointues et très acérées car elles servent surtout à déchiqueter la viande. L’articulation de la mâchoire ne permet que les mouvements verticaux. En général, ces animaux avalent tout rond, sans mastication, la plus grande quantité possible de nourriture. Par conséquent, leur estomac est relativement volumineux- 60 à 70% du volume total de l’appareil digestif- pour recueillir une grande quantité de nourriture d‘un seul coup. La très grande acidité de l’estomac favorise la digestion rapide des aliments et protège ces animaux contre une contamination bactérienne très élevée. Les intestins sont courts – 3 à 5 fois la longueur du corps mesuré de la bouche à l’anus, car les produits de la digestion sont absorbés rapidement.
Par comparaison, les herbivores n’ont pas de griffes acérées. Comme nous, en général, ils ont une gueule de petite taille proportionnellement à la tête. Ils ont des lèvres charnues et très musclées spécialisées dans la préhension fine de petites quantités d’aliments. La structure des dents, de la mâchoire et de la langue est hautement spécialisée. La surface des dents est plate, ce qui favorise la mastication. La mâchoire est très mobile, permettant les mouvements dans tous les sens. La nourriture est mastiquée, broyée, mélangée longuement avant d’être avalé en petite quantité. Notre salive, contrairement aux carnivores, et aux omnivores comme l’ours et le raton laveur, contient une enzyme qui amorce et facilite la digestion. Nos secrétions gastriques sont beaucoup moins acides que chez les carnivores. L’intestin, où la plupart des aliments sont absorbés, est beaucoup plus long – 10 à 12 fois la longueur du corps – ce qui favorise la digestion. Enfin, le colon ou le gros intestin, la partie la plus postérieur du système digestif, est en général beaucoup plus complexe que chez les carnivores et les omnivores. Notre anatomie, à nous êtres humains, cadre très bien avec cette description.
Quand on pense à un herbivore, on pense à la vache, au mouton ou au cheval. Or, ces animaux ont un système digestif très complexe, souvent composé d'un estomac à plusieurs compartiments. Ces animaux peuvent manger et digérer le foin, ce qui n'est pas notre cas?
Selon ma définition, tout animal qui mange une nourriture dérivée des plantes est un herbivore. Cela dit, il y en a plusieurs types, équipés de façon variable pour digérer différentes sortes de matières végétales. Ceux qui mangent du foin, une matière très fibreuse, riche en cellulose, difficile à digérer, ont un système digestif très complexe. Ils sont capables, par un processus de fermentation bactérienne, de dégrader et de transformer des aliments très indigestes. Notre espèce est plutôt adaptée pour traiter une matière végétale beaucoup plus digeste comme les fruits, les légumes tendres, les racines et les noix. Par conséquent, notre système digestif est plus simple. Il n'en demeure pas moins que nous sommes des herbivores.
Et la fameuse vitamine B12 ?
La manière dont nous métabolisons cette vitamine confirme notre nature d’herbivores. Nous sommes fait pour manger des aliments qui en contiennent en général une infime quantité. Cependant, nous sommes merveilleusement bien équipés pour l'absorber, la transformer et la préserver. Ce n’est pas le cas des carnivores et des omnivores qui en trouvent facilement de très grandes quantités dans la viande.
Voulez-vous dire qu’on n’a pas à se soucier de cette vitamine ?
La vitamine B12 est produite par les bactéries, or, depuis que l'on aseptise eau et aliments, il est plus difficile de combler ses besoins, quoique ce ne soit pas impossible. En effet, certaines bactéries résidant dans notre bouche et nos intestins en synthétisent une certaine quantité. Enfin, plusieurs aliments ainsi que les fruits et les légumes biologiques non traités et que l’on mange avec la peau (et donc ayant en surface une quantité appréciable de bactéries) en contiennent également. Les végétaliens qui s’alimentent bien n’ont pas de difficultés à combler leurs besoins en B12. En cas de doute, il est tout de même préférable de vérifier annuellement son taux de B12 ou de prendre un supplément, à raison de 25 mg par semaine, et non de 50 mg par jour comme le recommandent les fabricants.
C’est tout de même étonnant, depuis le temps, qu’on ne soit pas mieux adaptés pour manger de la viande ?
Nous ne sommes devenus omnivores puis carnivores que depuis relativement peu de temps, en réponse à des impératifs culturels et non biologiques. Cette nuance est très importante, car même si nous pouvons manger presque n'importe quoi, cela ne veut pas nécessairement dire que c’est bon pour nous. Contrairement à l’évolution technologique et culturelle, l’évolution biologique se produit sur des centaines de milliers, voire des millions d’années. C’est un peu le lièvre et la tortue. Ce ne sont pas les adaptations morphologiques qui ont permis à l’homme préhistorique de chasser, puis de consommer des animaux; c’est son intelligence qui lui a permis de faire ce que son anatomie lui refusait. En d’autres termes, au lieu de sélectionner les modifications gastro-intestinales les mieux adaptées à ce type d’alimentation, la sélection naturelle a favorisé les plus habiles chasseurs, les plus ingénieux fabricants d’outils ainsi que les adaptations culturelles associées.
Pour résumer, nous sommes surtout faits pour manger des plantes. Or, en Occident, la plupart des gens font le contraire; comment expliquez-vous cette déviation ?
C’est en quittant le berceau africain pour occuper des régions plus froides que l’homme a changé, en très peu de temps, pour des raisons vitales, son régime alimentaire. Il a dû s’adapter aux variations saisonnières de la croissance des végétaux en incorporant à son alimentation de plus en plus de produits carnés au fur et à mesure qu’il s’est déplacé vers le Nord. Les animaux étaient abondants et il ne semblait y avoir aucune contre-indication. L’invention de l’outil et son perfectionnement a facilité cette évolution. Puis, il y a 10 000 ans, c’est la domestication massive des plantes et des animaux. Cependant, le régime alimentaire de base demeure essentiellement composé de plantes. Les agriculteurs avaient des animaux pour les aider à travailler la terre. Ils buvaient leur lait, ils mangeaient les oeufs de la volaille, mais, en général, ils ne les tuaient pas. Les animaux étaient bien trop précieux. Ils s’en servaient également comme monnaie d’échange. Pendant des siècles, la viande était une denrée presque exclusivement réservée aux riches marchands, aux nobles et aux aristocrates.
C’était un symbole de rang social et de prospérité. Les pauvres en mangeaient seulement à certaines occasions, lors des fêtes religieuses par exemple. Puis, il y a à peine deux cents ans, à la suite de la révolution industrielle, l’élevage des animaux de boucherie s’est intensifié, et la viande, notamment le bœuf, est devenue de plus en plus populaire et accessible à tous les échelons sociaux. Nous sommes donc devenus des omnivores à tendance carnivore à une grande échelle, depuis tout récemment, avec les conséquences que nous connaissons tous.
Vos arguments sont convaincants. Pourtant, comment expliquer que de nombreuses personnes vivent en santé et parfois très vieux, en mangeant de la viande et ses nombreux dérivés ?
Il y a d'autres facteurs en jeu. Le stress, la génétique, les polluants chimiques et autres, la quantité consommée, le niveau d'activité ont une grande influence. Manger de la viande, des œufs et du lait en modération, passe encore. Toutefois, ce n'est pas l'idéal pour notre espèce. Nous sommes essentiellement des herbivores et notre corps a de la difficulté à digérer et à métaboliser cette nourriture. Ce n'est pas pour rien que les maladies nutritionnelles sont si nombreuses. Enfin, il importe de faire des choix alimentaires qui concordent avec le contexte démographique et écologique actuel. Il serait donc prudent de revenir à un régime, somme toute, beaucoup plus naturel pour notre espèce. Ce n'est pas une régression, mais un retour salutaire. C'est sans doute pour notre espèce une question vitale.
A lire aussi, pour complément d'information,
mon petit texte explicatif personnel :
"Pourquoi je suis végé"
mon petit texte explicatif personnel :
"Pourquoi je suis végé"
12 commentaires
J'aurais au moins appris des choses sur cette fameuse vitamine b12, des choses que je cherchais à savoir depuis un ptit moment... Des précisions sont toujours à fournir et à rappeler car personnellement je nous pensais vraiment omnivore. Bien sur, manger autant de viandes qu'aujourd'hui est une imbécilité des plus totale mais je ne nous imaginais pas capable de combler tout ce dont nous avons besoins, presque sans manger voir sans manger de viande du tout ! Surement quelques insectes par ci par là ne nous feront pas de mal ^^
L'ominvorisme signifie la capacité à se contenter d'un large panel alimentaire. Autrement dit manger de la viande si c'est ce qu'il y a ou se rabattre sur d'autres mets tels que fruits, miel et racines (comme le font les plantigrades par ex).
Intéressez-vous au binturong alias Arcticitis binturong pour les intimes. C'est l'exemple même d'un animal aux caractérstiques physiques telles qu'une dentitions et une mâchoires de carnivore qui pourtant se nourrit essentiellement de fruits et de déchet en tous genre. Cela démontre bien que ces traits ne suffisent pas à définir un régime alimentaire. On est dans la science du 18ème siècle avec Hans Cany. Il semble en effet croire que l'apparition d'un caractère favorable (=une adaptation pour un spécialiste de la bio évolutive) signifie une dichotomie entre deux comportements. C'est un peu comme si vous affirmiez que les amphibiens devraient choisir entre l'eau ou la terre, que les oiseaux devraient choisir entre marcher ou voler. Ce n'est pas ainsi que ça fonctionne. Apprenez que la spécialisation d'une métapopulation conduisant à la spéciation est une période transitoire souvent si peu nette qu'en retracer l'historique est tout bonnement impossible.
Aucun insecte n'est nécessaire, 20 ans de végétarisme et aucune carence Gigi Pounk, parfaite santé, bien meilleure d'ailleurs que ceux qui mangent de la viande, la soi-disant nécessité de la viande est pur mythe !
Ma copine était végétarienne. Elle a changé de régime à cause d'une sévère carence en fer. Moi-même je mange peu de viande pour des raisons essentiellement éthiques (contre l'élevage en batterie) et écologiques. Pourtant, en tant qu'ancien sportif de haut niveau et préparateur physique je ne peux que m'inscrire en faux contre ce qui est dit dans cet article. Le fer non-héminique est moins bien assimilé que le fer héminique c'est un fait que personne ne conteste. Bien sûr, il est possible d'améliorer cette absorption. Malheureusement ça ne fonctionne pas toujours. De nombreuses publications dans des revues à comité de lecture des plus sérieuses le confirme : nous ne sommes pas tous égaux face à la déficience en fer (mots-clé : chronic iron deficiency). Mon expérience de compétiteur ne me laisse aucun doute sur la question. Certains pourront être végétarien sans que cela ne les impacte négativement. D'autres développeront des carences. C'est aussi simple que ça!
Pour ce qui est du végétarisme des premiers êtres humains on nage dans le n'importe quoi. Allez vivre avec une tribu en Amazonie ou étudiez la diète alimentaire des sioux et vous verrez si la chasse n'était pas une activité essentielle pour les premiers êtres humains.
Je vous conseille trois lectures montrant que bien des spécialistes ont un avis contraire :
"Données récentes sur les modalités de peuplement et sur le cadre chronostratigraphique, géologique et paléogéographique des industries du Paléolithique inférieur et moyen en Europe"
"Les chasseurs d'Aurochs de La Borde - un site du Paléolithique moyen (Livernon, Lot)"
"Hommes et bisons du Paléolithique moyen à Mauran (Haute-Garonne)"
*bien meilleure d'ailleurs que celle de ceux qui mangent de la viande
Il va falloir que j'en apprenne plus sur ce sujet ^^ Quand je parlais d'insectes j'imaginais plutôt ça comme une sorte " d'apéro " pourrait on dire... D'ailleurs le type d'alimentation des hommes sur la planète se fera selon ce que la terre a à offrir. Dans certaines régions d'Asie, où l'on mange beaucoup de crustacés et d'insectes ( par rapport à ici en tout cas ), les gens se sont mis à manger les insectes qui détruisaient leur cultures. Dans d'autres pays la terre n'offrira peut être pas assez de fruits et légumes et la chasse pourrait devenir une nécessité. Personnellement je n'ai rien contre la chasse occasionnelle que pratique les sociétés "primitive".
tout cela est histoire d'éducation, un enfant qui est élevé en étant frappé, aura de forte chance de frapper à son tour quand il sera grand car pour lui c'est "normal". C'est le même principe pour les humains carnivores, ils mangent de la viande parce qu'ils ont été élevé comme ça, pour eux c'est "normal"... et la plupart n'ont pas envie de se poser de questions.
Merci pour toutes ces explications.
Oui oui. d'ailleurs les Inuits n'ont qu'à cultiver des légumineuses et des céréales. Ca leur évitera de chasser le phoque. On aurit dû les civiliser de la sorte il y a bien longtemps.
Je serai assez curieux de savoir comment ce cher Milton Mills explique les peintures rupestres qui font état partout dans le monde de l'ancienneté de la chasse et du caractère essentiel qu'il revêtait pour les humains du néolithique. Ce type d'article me fait penser aux imbécilités que racontait une de mes prof de fac, Geneviève Azam, qui voulait nous convertir à son mode de pensée par des lectures telles que "Age de pierre, âge d'abondance" de Marshall Sahlins.
La seule chose de vrai dans cet article c'est qu'effectivement les premiers humains ne chassaient sans-doute pas mais se rabattaient sur les carcasses laissées par les prédateurs.
Prenez la peine de lire cet article, sérieux celui-là!
"Hunter-gatherers and human evolution". Evolutionary Anthropology: Issues, News, and Reviews 14 (2): 54–67.
Et oui, nous sommes chasseur-cueilleur depuis la nuit des temps. N'en déplaise aux propagandistes.
Cet article cherche à développer le mythes du végétarisme des origines lorsque tout montre le contraire. Très intéressant de voir que les techniques de propagande n'ont pas beaucoup changé des soviets à nos jours. Rahel le sait bien lol!
Il est vrai qu'apparemment, au vu de tes interventions, on peut être certains d'avoir affaire à un esprit non-formaté, et à un champion de l'objectivité...^^
Et puis, qu'est-ce qu'il ne faut pas lire... Je te signale tout de même qu'il fait allusion à des temps autrement plus reculés que le néolithique. De surcroit, le néolithique est l'époque du développement de l'agriculture etdonc de la sédentarisation, précisément. Si encore tu avais fait allusion au paléolithique voire au mésolithique pour argumenter à propos des sociétés de chasseurs-cueilleurs... Mais non, même pas.Tu as mal choisi ta période de référence.
Tout ce qu'il dit c'est qu'à partir du moment où les humains ont pu chasser ils l'ont fait. Comme tu n'as jamais dû chasser, tu ne sais sans-doute pas qu'avec un simple lacet de cuir on peut attraper beaucoup de proie. Je le faisais en Espagne avec mon cousin il y a de ça 20 ans maintenant. On ramenait aussi plein d'écrevisse. Ces techniques il les avait appris de son père, qui les avait apprises de son père qui les avait... Même toi tu dois pouvoir continuer cette phrase sans fin. Mais non j'aurais dû remonter jusqu'à LUCA. C'est vrai. Tu as raison. L'ancêtre commun à toutes formes de vie n'était pas carnivore. Et pour cause la viande n'existait pas encore pauvre rigolo!
L'être humain est opportuniste. C'est ainsi!
Toi tu préfères inventer une réalité alternative comme il est coutume dans les mouvements sectaires.
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