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12/06/2020

LE FANATISME, DRAME AIGU DE CE SIECLE [par Robert Dun]

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Le fanatisme n’est pas seulement une conviction religieuse ou politique. C’est aussi un projet fort concret de domination. Les boucheries réitérées d’Algérie sont peut-être le prodrome d’une situation bientôt mondiale, de “la grande guerre civile mondiale, à la fois raciale et sociale” que j’annonçais dès le printemps 69.

Mais on se tromperait lourdement en croyant que le fanatisme est actuellement avant tout le fait de musulmans. Je viens de terminer la lecture d’une revue trimestrielle, “Savoir et Servir”, éditée par le M.J.C.F. (Mouvement des Jeunes Catholiques de France). Le numéro que j’ai eu en mains prétend justifier l’Inquisition, nie ses sanguinaires persécutions, brosse une caricature de l’Islam, justifie la colonisation espagnole de l’Amérique par un tableau des Indiens dans lequel l’ignorance le dispute à la partialité. Et ce qui est le plus effrayant est que les auteurs des articles sont probablement de bonne foi.

La notion “d’ancrage dans la loi (la Thora)” de B.H.Lévy ne vole pas plus haut.

Pourtant le peuple réagit aussi peu contre les fanatismes doctrinaux que contre les lois scélérates à prétexte antiraciste et antifasciste. Or on ne le répètera jamais assez : le plus grand danger fasciste contemporain, c’est l’antifascisme.

Pourquoi cette morne soumission du peuple ? Cette indifférence criminelle envers la cause des persécutés ? Cette non-perception, des viols réitérés du principe de liberté d’opinion et d’expression, ainsi que des dangers encourus par le peu de liberté qui nous reste ?

C’est parce que le fanatisme est ressenti comme normal et inhérent à boutes les causes religieuses et politiques. Je veux dire par-là que chacun considère comme normal de mentir, de calomnier, de violer, de persécuter, de bâillonner l’adversaire quand on ne sait pas quoi lui répondre. Cette attitude fanatique et malhonnête, seuls les communistes l’avaient adoptée avant la guerre sous la troisième République. Mais l’ensemble du peuple avait un sens bien ancré de la liberté d’opinion et d’expression, et même la dissolution des ligues fascistes par le gouvernement Léon Blum en 1936 fut mal ressentie par une importante partie de l’électorat de gauche. Cette dissolution était d’autant plus absurde que la victoire de la gauche par le vote et la grève était écrasante.

Le pas fut dangereux, et même fatal. Aujourd’hui le sens de la liberté est perdu, je me suis parfois entendu dire : “Mais n’es-tu pas aussi borné dans ta conviction nietzschéenne, que les catholiques dans la leur ?”

Absolument pas. Sans rien renier de mon enthousiasme pour Nietzsche, je reste capable de critique et de distance. Je ne partage nullement l’opinion de Nietzsche sur Bismarck. Nietzsche ne savait à peu près rien de la politique. Il était un visionnaire des grands mouvements de l’inconscient collectif, un psychologue capable de discerner les motivations inavouées eu même inconscientes dans les croyances, les idéologies, les comportements derrière les masques des bons prétextes, un homme d’un degré prodigieux de connais­sance, à coup sûr un grand prophète sans doute le plus grand de tous les temps.

Mais il n’était pas capable de jugement politique, et on pourrait lui appliquer l’image de l’albatros de Baudelaire : “… exilé sur la terre au milieu des huées, ses ailes de géant l’empêchent de marcher”.

Il a écrit des choses fort pertinentes sur les arrière‑plans du socialisme, mais il n’a pas perçu la justesse des prévisions économiques de Karl Marx, prévisions dont notre actualité apporte la preuve concrète de justesse, ceci même si les communistes actuels sont trop idiots pour en tirer des arguments et repenser le problème du socialisme.

Je ne partage nullement l’engouement de Nietzsche pour Bizet et sa Carmen. Tout en reconnaissant la justesse des positions de Nietzsche contre Wagner retombé dans le Christianisme, je pense que sa polémique a été maladroite et d’un ton indigne de lui. J’ajoute que j’ai fort peu apprécié sa musique.

Nietzsche est la plus récente et plus puissante tempête de cet “Esprit qui souffle où il veut” dont parle la Bible. Mais un, vrai nietzschéen ne le considèrera jamais comme un “Fils de Dieu infaillible et insurpassable” qu’il suffit d’imiter en tout. Le plus grand mérite de Nietzsche aura été de nous mettre en garde contre une telle dévotion, à son égard. Il reste par-là l’antifanatique modèle.

Robert Dun
Article paru dans la revue L’HOMME LIBRE fils de la terre, Mars 1998

00:35 Publié dans Politique, Spiritualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert dun, religions, nietzsche |  Facebook | | | |

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