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18/01/2015

L’arrestation de Dieudonné ou l’imposture de la « liberté d’expression » – Glenn Greenwald

 

 Article initialement paru en anglais sur le site de Glenn Greenwald, un journaliste politique, avocat, blogueur et écrivain américain. À partir de 2013, c’est lui qui commence à publier les révélations d’Edward Snowden sur les programmes de surveillance de masse (PRISM, XKeyscore) des citoyens, entreprises et États du monde entier par la NSA.

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En France, un comédien est arrêté pour un commentaire sur Facebook, exposant l’imposture de la célébration occidentale de la « liberté d’expression »

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48 heures après avoir été l’hôte d’une grande marche sous la bannière de la liberté d’expression, la France ouvrait une enquête judiciaire sur un comédien controversé pour un post Facebook qu’il avait écrit à propos de l’attaque de Charlie Hebdo, et ce matin, il fut arrêté pour ce même post, au prétexte « d’apologie du terrorisme ». Le comédien, Dieudonné (ci-dessus), s’était par le passé présenté à des élections en France sur une liste qu’il avait appelée « antisioniste », avait vu ses spectacles interdits par de nombreuses communes à travers la France, et avait été poursuivi de multiples fois pour avoir exprimé des idées interdites dans ce pays.

Le point de vue apparemment criminel qu’il aurait posté sur Facebook était le suivant : « Ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly ». Les enquêteurs en conclurent qu’il s’agissait d’une moquerie du slogan « Je Suis Charlie » et que cela exprimait un soutien envers celui qui avait commis des meurtres dans un supermarché à Paris (dont le nom de famille était « Coulibaly »). Exprimer une telle opinion est bien évidemment un crime en cette République de Liberté, qui se targue d’un lignage d’intellectuels du 20ème siècle – de Sartre et Genet à Foucault et Derrida – dont la marque de fabrique était de ne laisser aucune doctrine ou convention intacte, peu importe sa sainteté.

Depuis cette glorieuse marche de la « liberté d’expression », la France a rapporté avoir ouvert 54 procédures judiciaires pour « apologie du terrorisme ». L’AP (associated press) signalait ce matin que « la France a ordonné aux procureurs à travers le pays de s’attaquer aux discours de haine, antisémites et faisant l’apologie du terrorisme ».

Aussi pernicieuses que soient cette arrestation, et les autres « mesures répressives », cela permet un examen critique : à savoir que cela souligne l’imposture totale de cette semaine de célébration de la « liberté d’expression » en Occident. La veille des attentats de Charlie Hebdo, par hasard, j’étais en train de documenter de nombreuses affaires occidentales – et des USA – où des musulmans avaient été poursuivis et même emprisonnés pour leurs discours politiques. Quasiment aucun des courageux défenseurs de la liberté d’expression de cette semaine n’ont dit mot sur ces affaires – avant l’affaire Charlie Hebdo, ou après. C’est parce que « liberté d’expression », aux yeux de nombre d’occidentaux, signifie en réalité : il est vital que les idées que j’aime soient protégées et que le droit d’offenser des groupes que je n’aime pas soit hautement respecté ; tout le reste est discutable.

Il est probablement exact que bien des points de vue de Dieudonné soient nocifs, bien que ses supporters et lui-même insistent qu’il ne s’agit que de « satire », le tout dans la bonne humeur. A cet égard, la controverse qu’ils provoquent est similaire aux dessins de Charlie Hebdo maintenant-très-appréciés (un militant de gauche français insiste sur le fait que les dessinateurs étaient seulement moqueurs et pas racistes et sectaires, mais Olivier Cyran, un ancien rédacteur du magazine qui avait démissionné en 2001, avait écrit une lettre ouverte en 2013 amplement documentée et condamnant Charlie Hebdo pour s’être plongé à la suite du 11 septembre, et plein gaz, dans un sectarisme anti-musulman obsessionnel).

Au-delà de la menace évidente que pose cette arrestation à la liberté d’expression, il est évidemment inconcevable qu’une seule figure médiatique occidentale de premier plan se mette à tweeter « #JeSuisDieudonné » ou publie des photographies d’elle-même en train de faire le geste « évoquant le nazisme » (quenelle) par « solidarité » avec son droit à la liberté d’expression. Et ça serait vrai même s’il avait été tué pour ses idées et pas « simplement » arrêté et poursuivi en justice. C’est parce que la célébration des dessinateurs de Charlie Hebdo de la semaine dernière (bien au-delà d’un simple deuil pour ces meurtres injustes) était tout autant une approbation de leurs messages anti-musulmans qu’une célébration de leur liberté d’expression – au moins autant.

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L’essentiel des hommages à la « liberté d’expression » de la semaine dernière n’étaient rien de plus qu’une tentative de protéger et sacraliser un discours qui s’attaque aux groupes défavorisés tout en interdisant les discours qui feraient de même mais envers les groupes favorisés, en camouflant insidieusement ça sous de nobles principes de liberté. En réponse à mon article de lundi contenant des dessins anti-juifs – que j’ai posté pour démontrer la sélectivité extrême et l’inauthenticité de ce nouveau culte du discours diffamatoire – j’ai été assailli de circonvolutions sans fin tentant de m’expliquer pourquoi le discours anti-musulman était tout à fait correct et noble tandis que le discours anti-juif est hideux offensant et démoniaque (la distinction la plus souvent évoquée – « les juifs sont une race/ethnie tandis que les musulmans ne le sont pas » – surprendrait bien des juifs asiatiques, noirs, latinos et blancs, ainsi que ceux qui s’identifient comme « musulman » comme leur identité culturelle bien que ne priant pas 5 fois par jour). Comme d’habitude : c’est la liberté d’expression si cela évoque des idées que j’aime ou si ça s’attaque à des groupes que je n’aime pas, mais c’est très différent si je fais partie du groupe visé.

Pensez à l’accusation « d’apologie du terrorisme » au nom de laquelle Dieudonné a été arrêté. Cela devrait-il être une infraction – entrainant donc arrestation, poursuite judiciaire et emprisonnement – de dire quelque chose qui équivaut à : les pays occidentaux comme la France sèment la violence depuis si longtemps dans les pays musulmans que je crois aujourd’hui qu’il soit justifiable que la violence s’importe en France dans le but qu’ils arrêtent ? Si vous voulez que de telles « apologies du terrorisme » soient poursuivies en justice (au lieu de les combattre socialement) alors pourquoi ne pas condamner ceux qui justifient, célèbrent et glorifient l’invasion et la destruction de l’Irak, avec son slogan de « choc et stupeur » signifiant l’intention de terroriser la population civile afin qu’elle se soumette, et ses tactiques monstrueuses comme à Falloujah ? Ou pourquoi pas l’appel psychotique du présentateur de Fox News, qui, pendant une discussion sur les musulmans radicaux, à appelé à « les tuer tous ». Pourquoi un point de vue est-il autorisé et l’autre passible de poursuite – à part parce que la loi est utilisée pour contrôler les discours politiques et qu’une forme de terrorisme (violence dans le monde musulman) est le fait de l’Occident, qui est l’assaillant, pas la victime ?

Pour ceux que ça intéresse mon argumentation développée contre toutes les lois « discours de haine » et autres tentatives d’exploiter la loi pour policer un discours politique est ici. Cet essai a principalement été écrit pour dénoncer la proposition de la ministre française Najat Vallaud-Belkacem de forcer Twitter à coopérer avec le gouvernement Français afin de supprimer les tweets que des officiels comme cette ministre (et ses futurs successeurs) jugent « haineux ». La France est aussi représentative de la liberté d’expression que Charlie Hebdo, qui avait viré un de ses rédacteurs en 2009 pour une seule phrase supposément antisémite publiée au milieu d’une orgie de contenu anti-musulman (pas juste anti-Islam). Les célébrations françaises de cette semaine – et la horde de leaders tyranniques qui s’y sont associés – avaient bien peu à voir avec la liberté d’expression mais bien plus avec la répression d’idées qu’ils réprouvent, et la sanctification de celles qu’ils approuvent.

Peut-être que la figure intellectuelle la plus corrompue dans toute cette histoire, est, sans surprise, l’intellectuel public le plus diffusé (mais aussi, et haut la main, le plus surestimé au monde), le philosophe Bernard-Henri Lévy. Il demande que soit supprimé tout ce qui ressemble de près ou de loin à un point de vue anti-juif (il a appelé à l’interdiction des spectacles de Dieudonné – « Je ne comprends même pas pourquoi quiconque souhaiterait en débattre » – et approuvé le licenciement du rédacteur de Charlie Hebdo en 2009 pour offense envers les juifs), tout en paradant sans aucun scrupule en tant que grand champion de la liberté d’expression, du moment que c’est anti-musulman, tout au long de la semaine dernière.

Mais ceci, inévitablement, est précisément le but, et la conséquence, de lois qui criminalisent certaines idées et de ceux qui approuvent de telles lois : codifier un système où les opinions qu’ils approuvent sont sanctifiées et les groupes qui les émettent protégés. Les opinions et les groupes qu’ils aiment le moins – et seulement eux – sont passibles d’oppressions et de diffamations.

L’arrestation de ce comédien français si rapidement après l’épique marche de Paris pour la liberté d’expression souligne ça bien plus que tout ce que j’aurais pu écrire sur la sélectivité et la fraude de la parade « pour la liberté d’expression » de cette semaine. Cela montre – à nouveau – pourquoi ceux qui veulent criminaliser les idées qu’ils n’approuvent pas sont au moins aussi dangereux et tyranniques que les idées qu’ils combattent : au moins.


Traduction: Nicolas CASAUX
Source : Le Partage

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democratie

18:56 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : democratie |  Facebook | | | |

Charlie Hebdo : Un effroyable coup monté ? [INTERVIEW]

Véronique C. , sous la forme d'une mini-interview, m'a invité à préciser le fond de ma pensée, au sujet des thèses "complotistes" dont je me suis fait l'écho, suite aux récents évènements parisiens.
Vous trouverez donc ci-dessous, in extenso, la retranscription de ce bref entretien.

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Véronique C.  :
Tu penses que les récents attentats parisiens, et notamment celui qui a visé le personnel de Charlie Hebdo, sont en fait des coups montés, des opérations sous "faux drapeau". Si c'est le cas, dans quel but ?


Hans Cany :
Les mobiles du crime peuvent être multiples et complémentaires :

1/ Exacerber les réactions anti-islamistes et anti-islam, pour le plus grand profit des lobbies sionistes, qui peuvent encore et toujours se poser en "victimes", et instrumentaliser tous ceux qui tombent dans le panneau. Stratégie de la tension dont le but est bien sûr de "diviser pour mieux régner". La bêtise des extrémistes des deux bords -"islamophiles" et islamistes comme "islamophobes" sans nuances- se charge du reste, via l'hystérie et la surenchère généralisées, de part et d'autre.  
2/ Légitimer la "juste" cause d'Israël aux yeux des gogos, et prévenir toute velléité de s'en désolidariser.
3/ Justifier de futures nouvelles opérations militaires à l'Etranger, avec l'assentiment du bon peuple.
4/ Conditionner le peuple à la surenchère sécuritaire, et nous enlever les dernières libertés qu'il nous reste, au nom de "notre sécurité". Là encore sous les applaudissements des crédules. Etc.
On peut aussi trouver d'autres motivations. Mais ces quatre-ci m'apparaissent les plus évidentes.

 

Véronique C. :
Je ne trouve pas qu'il existe beaucoup de critiques anti-islamistes à la base en France et particulièrement avec ce gouvernement. C'est toujours les bien-pensants style "Touche pas à mon pote", SOS Racisme etc... On se laisse bouffer et on n'ose rien dire. Rayon halal dans les supermarchés, burqa, pas de porc dans les cantines, construction de mosquées aux frais du contribuable, refus de nos traditions comme les crèches etc. Et même là on entend les faux-culs de toutes religions scander qu'on est tous frères. Quant aux prochaines interventions, que reste-t'il encore à détruire ? Ils ont mis en place des islamistes partout, vont-ils à présent combattre leurs créatures ?

Hans Cany :
Nous sommes face à un phénomène d'autant plus pernicieux qu'il est triple : un mélange subtil de vrais attentats, de vrais-faux attentats, impliquant des fanatiques et autres abrutis instrumentalisés à leur insu, et de "faux drapeaux", c'est-à-dire des manipulations et des coups montés de toutes pièces. Difficile de démêler le vrai du faux dans un tel contexte... Quant au fait de combattre leurs propres créatures, c'est déjà le cas depuis quelque temps. On le voit notamment en Irak et en Syrie, où ils se mettent à présent à bombarder leur créature qu'est l'EIIL/Daesh, dont le contrôle direct leur a visiblement échappé. On avait assisté au même phénomène avec Al Qaïda, qui était pourtant, à l'origine, un pur produit de la CIA.

 

Véronique C. :
Selon toi, ce seraient les services secrets qui auraient tué les journalistes ?

Hans Cany :
Oui. Et comme le dit Jean-Marie Le Pen, pas forcément les services français, ni même la CIA, quoiqu'il n'est pas exclu qu'ils y soient quand même impliqués eux aussi à des degrés divers. Je pense plus particulièrement au MOSSAD, pour ne pas le nommer. Je ne l'ai pas dit ouvertement dans mon article. Mais je le sous-entends fortement, pour ceux qui savent lire entre les lignes, et qui prêtent attention aux illustrations...

 

Véronique C. :
Avec ou sans l'accord de Hollande ?

Hans Cany :
A vrai dire, ce problème n'est que d'intérêt secondaire. A mon humble avis, Hollande n'est au fond qu'un pantin, sommé de se soumettre, de gré ou de force, à des intérêts qui le dépassent. Qu'il soit d'accord ou non, au fond de lui-même, ne fait aucune différence aux yeux de ceux qui tirent les ficelles. La seule chose qui leur importe, c'est qu'il joue le jeu, en faisant "comme si"...

  

Véronique C. :
Mais si l'on part de l'hypothèse d'un coup monté, n'est-il pas fait au contraire pour privilégier les musulmans dits modérés ? Je m'explique : depuis ces assassinats, on nous ressort le "black, blanc, beur" et "tous frères". On isole Marine Le Pen qui montait dans les sondages en l'excluant du front républicain. On empêche PEGIDA de manifester à Dresde pour cause de risque d'attentat. En Angleterre, on va retirer tout dessin de cochon ou de saucisse dans les livres d'enfants. N'est-ce pas pour trouver un ennemi commun, l' "islamiste radical", et asseoir un peu plus les musulmans entre guillemets "normaux" ?

Hans Cany :
On assiste effectivement aussi à cet inquiétant phénomène qu'est la répression accrue de toute velléité contestataire, alors même que la colère monte un peu partout, à juste titre, contre une invasion massive et une islamisation galopante de nos sociétés. Le prétexte de cette intensification de la répression étatique, c'est bien entendu la lutte contre les prétendus "amalgames", la "stigmatisation", et autres préchi-préchas habituels, qui dissimule bien mal une mauvaise foi manifeste, dont le vrai mobile est d'ordre purement idéologique. Ce système est aux abois, il a peur pour sa pérennité. Et donc, il se durcit. Pour justifier cette dérive liberticide d'essence totalitaire, on s'appuie bien entendu sur les excès et les outrances des "islamophobes" les plus extrêmes et les moins réfléchis, qui tendent ainsi le bâton permettant de mieux frapper toute contestation. Les imbéciles, hélas, se trouvent des deux côtés, y compris chez ceux qui entendent résister. Quoi qu'il en soit, il est aujourd'hui, plus que jamais, nécessaire de résister de toutes nos forces à ces tentatives d'intimidation, et face à ce qu'il faut bien appeler de l'oppression pure et dure. Il n'y a, de toute façon, pas d'autre alternative. Les concessions à la tyrannie du "politiquement correct" sont contre-productives. Et même dangereuses, à terme. Puisqu'elles finissent par étouffer dans l'oeuf toute tentative de révolte et de résistance. Il ne faut plus jamais courber l'échine, et rompre plutôt que plier. Mais si le peuple persévère, ne se décourage jamais et ne sombre ni dans les outrances, ni dans la récupération, ce n'est pas lui qui, au final, rompra.
 

 

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05:18 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hans cany |  Facebook | | | |